DÉCRYPTAGE - Mettant leur menace à exécution, les Américains déclenchent leur retrait d'un traité nucléaire passé avec Moscou à la fin de la Guerre froide. Ils accusent les Russes de ne plus le respecter, mais veulent surtout avoir les mains libres face à la Chine.
Extrait : Un air de «crise des euromissiles» plane entre les deux superpuissances de la Guerre froide, alors que les États-Unis ont mis leur menace d'octobre dernier à exécution en décidant ce vendredi de se retirer du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaires (INF en anglais). Avec ce retrait effectif dans six mois, le duel géopolitique entre Moscou et Washington prend une tournure nucléaire, menaçant de fragiliser l'architecture de désarmement mise en place depuis la Guerre froide. Mais les similitudes avec cette période cachent de profondes différences. Les États-Unis souhaitent surtout se retirer de l'INF car la Chine ne fait pas partie de ce traité bilatéral russo-américain, ce qui donne à celle-ci un avantage stratégique en Asie .
Le traité INF porte assez mal son nom car, depuis 1987, il interdit à Moscou et à Washington de tester, de produire et de déployer tout missile terrestre d'une portée de 500 à 5 500 km, qu'il dispose d'une charge nucléaire ou non. Dans les années 1980, avec le face-à-face des SS-20 soviétiques et des Pershing-II américains, la dimension nucléaire l'emportait certes largement. Dans cette même veine, les États-Unis accusent depuis 2014 la Russie d'avoir testé un nouveau missile, le 9M729, dont la portée dépasserait les 500 km. «Si l'accusation n'est pas nouvelle, il y a eu un changement de méthode, explique Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS). Obama et ses alliés souhaitaient que Moscou respecte le traité, Trump, et peut-être surtout, son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, souhaitaient en sortir».
Les bases américaines à portée des missiles chinois
Si les Russes assurent que la portée de leur missile n'excède pas 480 km, beaucoup d'experts en doutent. Du côté de Moscou, la méfiance, ancienne, remonte à 2001 lorsque les États-Unis sont sortis unilatéralement d'un autre traité de la Guerre froide, le traité ABM (Anti-Ballistic Missile) de 1972, qui limitait les capacités anti-missiles des deux superpuissances. Depuis les années 1990, les États-Unis souhaitent déployer en Europe comme en Asie un «bouclier» pour se protéger des États qu'ils qualifient de «voyous», comme l'Iran ou la Corée du Nord. Mais Pékin et Moscou ont toujours considéré que ce bouclier leur était aussi destiné, ce que confirme pour la première fois la revue stratégique nucléaire (NPR) américaine de 2018. Pour les Russes et les Chinois, ces missiles intercepteurs américains menacent de réduire la crédibilité de leur dissuasion nucléaire tandis que leurs rampes de lancement pourraient aussi servir à tirer des missiles offensifs interdits par l'INF.
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Source : LE FIGARO