Echecs de Carrefour dans différents pays Suite au scandale d’affichage frauduleux de prix survenu au début de l’année en Chine, Carrefour-Chine a émis trois communiqués pour s’excuser auprès du public, proposer des compensations et pour réorganiser sa structure de contrôle et de gestion. Tout cela ne semble pas avoir eu l’effet escompté auprès des consommateurs et on constate que la chaîne de supermarché a fermé 4 de ses magasins en Chine.
Le magazine est donc allé se renseigner sur ce qui s’est passé pour Carrefour dans les autres pays où l’entreprise française semble avoir connu des échecs successifs.
Il constate ainsi que Carrefour a échoué au Japon et en Corée du Sud. Au Japon, Carrefour s’est implanté en décembre 2000 mais, au bout de 5 années, a dû revendre ses 8 magasins pour se retirer de ce marché. En Corée du Sud également, 10 ans après sa première implantation, Carrefour a dû battre la retraite en 2006 en revendant ses 32 grandes surfaces. De même en Russie, à peine 4 mois après avoir ouvert son premier magasin, Carrefour annonçait déjà en octobre 2009 son retrait total de ce pays.
Dans son analyse, le magazine estime d’abord que le mode de gestion de Carrefour est trop figé pour lui permettre de s’adapter aux coutumes locales des différents pays. Ce facteur le conduit à ne pas comprendre la culture et la mentalité des consommateurs dans ces pays. En Corée du Sud par exemple, la loi interdit les grandes surfaces à faire payer aux fournisseurs les frais de promotion. Cela représente un obstacle majeur pour une entreprise comme Carrefour « qui tire ses profits de l’exploitation de ses fournisseurs. »
Par ailleurs, la gestion de Carrefour consiste en des ventes massives avec une faible marge de profit, ce qui l’amène à assurer localement 85% de la fourniture de ses marchandises et le place par conséquent sous la forte influence des autorités de contrôle des pratiques commerciales du pays hôte. C’est ainsi que sa pratique de prélever des droits d’entrée aux fournisseurs lui a valu de lourdes amendes en Corée du Sud par exemple. Au Japon également, Carrefour a été pénalisé à plusieurs reprises pour des pratiques déloyales (affichages frauduleux sur le pays d’origine, vente de produits alimentaires au-delà de la limite de consommation, etc.) avoisinant la fraude.
L’investigation du magazine montre cependant que Carrefour a bien réussi au moins dans un pays : la Pologne. Une réussite que son journaliste attribue à l’adaptation de la gestion « localisée » de l’entreprise française aux conditions locales : les consommateurs polonais, plus pauvres que ceux d’autres pays européens, ont adoré l’abondance des produits que la chaîne française offre à des prix variés, adaptés à la fois aux plus démunis qu’à ceux qui sont plus aisés. Le réseau de « franchises » de Carrefour s’est ainsi développé à une grande vitesse dans ce pays tandis que son management localisé a su observer une autodiscipline relative qui lui a permis de ne pas connaître de problèmes avec les autorités locales de contrôle des pratiques commerciales et sociales.
Revenant à la situation en Chine, le magazine remarque que malgré ses fréquents démêlés avec la justice dans plusieurs pays, et même en France où elle a été frappée en mai 2009 d’une amende de 220 000 euros, le groupe français continue en Chine ses pratiques frauduleuses, même après avoir été condamné à payer des amendes importantes. Interrogeant plusieurs experts, dont un résidant au Japon, le magazine conclut que Carrefour a su profiter de deux facteurs particuliers en Chine : (1) les nombreuses « règles clandestines » ou « règles tacites » permettant aux détaillants d’exploiter les producteurs et les fournisseurs ; (2) le souci des collectivités locales de s’attirer des investissements étrangers même s’il faut pour cela fermer l’œil sur certaines pratiques déloyales.
Comme remède à cette situation particulière en Chine, HE Lihua, professeur de sciences commerciales à l’Université industrielle de Shizuoka au Japon, propose d’améliorer les dispositions de la loi chinoise contre les concurrences déloyales et de créer en Chine l’équivalent de la « Commission japonaise sur les pratiques commerciales loyales ».
Caijing N° 296 du 18 juillet 2011