De toutes les tentatives d'approche du marché chinois par des marques étrangères, celle du Guide Michelin se classe parmi les plus incompréhensibles, et désormais parmi les plus nulles. Il y a des moments, des endroits, des conditions, dans lesquelles il vaut mieux se retenir de lancer un nouveau produit/service. Le guide Michelin Shanghai en est l'exemple parfait.
Donner des étoiles à des restaurants de Shanghai, ok, mais sur quels critères ? En population, Shanghai doit représenter entre un tiers et un quart de la France, mais bon, il n'y a qu'une trentaine d'étoiles sur toute la ville. C'est un peu léger, mais bon, ok, ce n'est que la première année. Si essayer de faire un guide exhaustif des restaurants de cette ville c'est mettre la barre un peu haut, Michelin a une réputation et aurait du le faire, quitte à décaler le lancement, mais visiblement, ils n'ont même pas essayé de la respecter.
Ensuite, de quelle nationalité sont les inspecteurs ? Francais, chinois, anglo-saxons, japonais ?
Quelles sont les critères pris en compte ? Purement la qualité des plats, des produits ? Le savoir-faire des cuisiniers ? Ou l'ensemble de la "dining experience" ? La qualité du service ? L'environnement ?
Shanghai présente une des scènes culinaires les plus diversifiées au monde, et les inspecteurs semblent avoir une nette préférence pour quelques styles de cuisine: cantonaise et française, et une préférence pour l'environnement: un bon mall bling-bling, ou un des hotels 5 étoiles qui fonctionnent à perte dans cette ville, sans oublier une proximité avec le Bund ou les arbres de la concession française. Le reste de la ville s'observe depuis l'arrière d'un taxi pour l'inspecteur qui ne doit même pas savoir parler un mot de chinois.
Quid de la cuisine "locale" de Shanghai ? Ou celle des alentours ? N'est-ce pas le rôle d'un guide Michelin de trouver le meilleur resto Shanghaien à Shanghai, plutot que de plébisciter cuisine cantonaise, pékinoise, italienne, etc... Aucune référence à un restaurant qui nous proposerait les meilleurs 小笼包 ou 生前. Mais on va certainement les retrouver dans le guide de Singapore l'année prochaine, car là-bas la bouffe de rue semble plus à même de récolter une étoile que les bouibouis shanghaiens.
Et puis, bizarrement, pas un restaurant japonais (ou coréen) dans ce classement. Les mecs qui voyagent avec leurs couteaux depuis la France ou la Chine peuvent récolter 2 étoiles en moins de 6 mois, mais les inspecteurs n'ont pas réussi à dénicher ne serait-ce qu'un restaurant avec un chef japonais... C'est vrai qu'à Shanghai, la cuisine japonaise n'est pas du tout populaire. Bref, évitons les ennuis, quitte à venir en Chine, autant s'auto-censurer dès le début pour éviter tout problème. Et d'oublier cette idée folle d'attribuer une étoile à un japonais en Chine.
Et donner 2 étoiles à un restaurant ou les plats sont à 6 euros, n'est-ce pas dévaluer les 2 étoiles que l'on connait ? Quand on pense que Thierry Marx, l'un des chefs les plus dingues de cette planète, est toujours resté bloqué à ce niveau des 2 étoiles depuis des années...
Puis donner 1 étoiles à des restaurants de chaine pékinois à Shanghai, c'est pas ironique ? Quand ils lanceront le guide à Pékin, Da Dong en obtiendra 3 ? Le canard y est certes bon, mais le service digne de celui d'une cantine (mais comme on est à Pékin, on s'en fout du service de merde). Le guide Michelin de Pékin osera certainement nous faire croire que les meilleurs xiaolong de Chine se trouve dans l'un des 3-4 Din Tai Fung taiwanais de la ville.
Ce classement me laisse dubitatif quant à son existence même et sa raison d'être, démontrant une superbe ignorance de l'art culinaire asiatique, trop différent pour ces gens là. Une belle opération de RP pour un guide à la dérive, avec des inspecteurs qui donneront certainement 1 étoile au Starbucks de l'aéroport de Pudong lorsqu'ils s'échapperont de la ville.
Et on ne parlera même pas des oubliés du classement...
Quelques liens pour creuser le sujet:
M'en vais manger un Big Mac, au moins je serai pas déçu !