Les banques étrangères ont du mal à s'implanter en Chine

samz

Membre Gold
15 Mai 2004
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Shanghai
www.bonjourshanghai.com
-Article paru aujourd'hui dans Le Monde-

Dans le secteur financier comme dans l'industrie, la Chine fait figure d'eldorado pour les groupes occidentaux. Mais les autorités chinoises continuent de surveiller de très près les marchés des capitaux.
Shanghaï correspondance

Dans une Chine lancée à 9 % de croissance annuelle, l'épargne disponible (13 trillions de yuans, soit 1,3 trillion d'euros) ne manque pas mais se trouve le plus souvent en dehors du système financier : les banques restent peu nombreuses (moins d'une vingtaine) et grevées de mauvaises créances.

Les marchés boursiers sont en berne (la Bourse de Shanghaï a perdu 30 % depuis 2001), tandis que l'assurance en est à ses premiers pas : la totalité des actifs chinois dans ce secteur représente seulement 3 % des actifs financiers et ne dépasse pas le capital d'un grand assureur occidental.

Plus grave, près de 100 milliards de yuans (10 milliards d'euros) auraient quitté les dépôts bancaires pour alimenter les circuits informels du crédit, plus rémunérateurs, depuis que l'Etat tente de refroidir l'économie. "On assiste à un phénomène bizarre : 60 % de la croissance viennent des sociétés privées et 40 % des sociétés d'Etat. Mais ces dernières recueillent 70 % des crédits bancaires", souligne Sun Lijian, économiste de l'université Fudan à Shanghaï.

La sixième économie mondiale doit donc assainir ses réseaux, se mettre au diapason des pratiques internationales, et se doter d'instruments financiers performants. Tenue par ses engagements vis-à-vis de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine a entrepris, en 2001 d'ouvrir son système financier aux étrangers, pour aboutir en 2006 à la levée de quasiment toutes les restrictions.

Alléchés par le marché potentiel que représente le pays, les opérateurs étrangers se pressent. "Nous voyons la Chine comme un marché stratégique de plus en plus important pour BNP Paribas", a ainsi déclaré Beaudoin Prot, le directeur général de la banque, en voyage récemment dans le pays. BNP Paribas a racheté fin 2003 la participation de son partenaire en co-entreprise, Industrial and Commercial Bank of China, la première banque du pays, pour créer une filiale à 100 %. L'établissement vient de se doter de nouvelles licences pour développer son activité. Il sera l'un des premiers à proposer à Pékin des services en monnaie locale aux entreprises chinoises, ce qui se fait déjà dans d'autres villes, mais ne sera autorisé dans la capitale qu'à la fin de l'année.

De juin 2003 à juin 2004, les actifs des banques étrangères en Chine ont bondi de 49 %, à 85 milliards de yuans. Malgré tout, leur part de marché est évaluée entre 1 % et 3 % du marché d'après les banquiers, dont la moitié pour HSBC et Citigroup. L'implantation en Chine tient du parcours du combattant : il faut une licence pour chaque activité, pour chaque succursale et pour chaque ville. L'obtention de la licence la plus complète, qui permet toute la gamme de services autorisés (en devises et en yuans), exige des étrangères un minimum de 300 millions de yuans en fonds de roulement par succursale, dont 30 % doivent être déposés dans une banque chinoise. Un ticket d'entrée plusieurs fois supérieur aux exigences de la législation européenne, par exemple.

Seuls quelques grands groupes proposent déjà des services de banque de détail - en devises uniquement pour les particuliers chinois d'ici à 2006, d'ores et déjà en yuans et en devises pour les étrangers. HSBC a ainsi ouvert dix succursales en Chine, Standard Chartered sept et Citibank cinq. Pour l'instant, les banques étrangères n'ont le droit d'ouvrir qu'une succursale par an, et une seule par ville. Fin 2006, cette restriction sera levée et elles pourront accueillir autant de clients chinois qu'elles le souhaitent. "HSBC a une politique agressive, dit Dan Dan Chang, sa porte-parole. Il ne reste plus que deux ans, nous aimerions certes aller plus vite. Dans une ville comme Shanghaï, qui compte 20 millions d'habitants, il est évident qu'à terme nous devrons avoir plusieurs branches."

Pour ces géants mondiaux, la conquête de la Chine passe aussi par des prises de participation : HSBC a déboursé 1,75 milliard de dollars (1,35 milliard d'euros) pour acquérir 19,9 % (le maximum autorisé) de la Bank of Communications, la cinquième banque chinoise. "Nous avons un accord sur les services techniques, c'est très important, dit Mme Chang. Nous leur apportons des pratiques internationales dans la gouvernance d'entreprises. Alors que nous avons zéro expérience avec les particuliers chinois, notre partenaire a 2 700 succursales à travers le pays."

De son côté, Citigroup détient 5 % de la Shanghai Pudong Development Bank. La réforme bancaire en cours prévoit que deux des quatre grandes banques d'Etat chinoises, la Bank of China et la China Construction Bank, soient introduites localement en Bourse en 2005 ou 2006 : le gouvernement souhaite faire entrer dans leur capital des sociétés étrangères.

Moins ambitieuses, ou plus prudentes, les banques françaises cherchent aussi à occuper le terrain. "Depuis la crise asiatique, les implantations des banques françaises en Asie se sont beaucoup réduites, dit un banquier français à Shanghaï. Nous avons bien sûr dans nos scénarios le risque d'une crise sociale ou financière en Chine. Mais qui peut dire si ce sera dans six mois, ou plus ? C'est vrai que tout le monde est très optimiste sur la Chine, ça s'ouvre, ça se libéralise, même si partout nous atteignons vite un plafond à cause des réglementations."

Les niches, quand elles existent, sont bonnes à prendre : c'est le cas de la gestion de fonds locaux, où les banques étrangères sont présentes en co-entreprise (à 33 % actuellement, et à 49 % à partir de la fin décembre) et apportent aux clients chinois un retour sur investissement qu'ils ne trouvent pas ailleurs. SGAM, la filiale de la Société générale dans la gestion d'actifs, propose avec son partenaire Baosteel, le géant de la sidérurgie chinoise, deux fonds en Chine, dont la collecte a atteint le milliard de dollars, pour près de 170 000 clients chinois. La moitié des encours provient de particuliers.

Brice Pedroletti


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L'Etat veut apurer les mauvaises créances


Officiellement, les mauvaises créances représentent 30 % du produit intérieur brut (PIB) chinois. Les économistes occidentaux parlent souvent du double. En septembre, la China Banking Regulatory Commission (CRBC) évaluait les mauvaises créances pour les quatre grandes banques d'Etat à 1,7 trillion de yuans (170 milliards d'euros), soit 13,37 % des encours. Ces établissements, l'ICBC (Industrial and Commercial Bank of China), la China Construction Bank, la Bank of China et l'Agricultural Bank of China, totalisent 84 % des encours des crédits en Chine.

L'apurement du secteur se fait en plusieurs temps : d'une part, un total de 1,4 trillion de yuans ont été transférés vers quatre structures de défaisance depuis 1999. D'autre part, l'Etat recapitalise les banques en vue de leur introduction en Bourse en Chine et de l'ouverture éventuelle de leur capital à des investisseurs étrangers. Cette dernière pourrait permettre l'apport d'une expertise bienvenue. Mais elle butte notamment sur une conception encore approximative de la gouvernance d'entreprises en Chine. - (Corresp.)

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.11.04