Centres d'arnaque en ligne au Cambodge & Birmanie

  • Auteur de la discussion Auteur de la discussion Mathieu
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Mathieu

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15 Oct 2006
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Shanghai, People Square
www.murailledechine.com
Attention : Je déplace la conversation sur les centres d'arnaque en ligne au Cambodge & Birmanie dans un nouveau thread, ne sachant pas si ca concerne notre ami Claude mais je pense que ca pourra en aider d'autres ... Je laisse volontairement sur ce subforum car si les arnaques sont multiples, la numéro 1 reste l'arnaque à la "relation virtuelle" par messagerie. Des stratagèmes de romance en ligne où les fraudeurs gagnent la confiance des victimes pour ensuite les arnaquer selon de multiples façons...


Nous utilisons DingTalk pour communiquer, car elle préfère cette application à WeChat. Je ne connais pas la raison, mais perso je trouve que Wechat est bien, qu'il est plus intimiste.

C'est effectivement surprenant, et sans savoir si c'est lié, cela pourrait aussi s'expliquer par un phénomène qui mérite de faire attention...

Pour te donner du contexte : il y a actuellement environ 150 000 personnes, dont une majorité de Chinois, qui sont enfermées contre leur gré au Cambodge (depuis le Covid) et en Birmanie (en guerre civile), suite aux pressions exercées par la Chine sur le Cambodge qui ont obligé les triades a trouver un nouveau lieu.

Ces personnes sont forcées d'arnaquer en ligne des gens du monde entier. On retrouve pas mal de jeux d'argent truqués et énormément de fausses relations à distance. Les personnes sont réelles et peuvent même avoir des échanges sincères dans l'absolu.

Le but n'est que rarement d'arnaquer immédiatement. Parfois même, elles rendent l'argent reçu d'un premier don ou prêt pour donner tous les signes qu'on peut leur faire confiance. Et puis un jour, quand la personne est amoureuse et en totale confiance, "on égorge le cochon" comme ils disent, après l'avoir engraissé au maximum. Soit par des demandes d'argent, soit par des logiciels espions installés sur ton ordinateur ou téléphone pour vider tes comptes.

De plus en plus, ces personnes se retrouvent bannies d'Alipay et WeChat, soit pour y avoir commis leurs méfaits, soit pour avoir blanchi de l'argent. Quand elles ne sont pas bannies, elles préfèrent limiter leur utilisation pour réduire les risques et éviter des problèmes avec la loi le jour où elles seront libérées. Du coup, l'utilisation d'autres applications moins surveillées est un mode opératoire courant.

Si tu as entendu parler des arnaques aux "brouteurs" en Côte d'Ivoire, c'est le même principe mais à une autre échelle. D'autant qu'ils utilisent de vraies Chinoises innocentes (ou moins innocentes) pour mener ces arnaques par chat et, le cas échéant, par visio. Elles doivent faire du chiffre pour espérer retrouver un jour la liberté et ne pas être battues.

Si tu veux en savoir plus sur ce phénomène, voici quelques sources :

Le film "No more bets" sur Netflix :

Ou des documentaires sur le Myanmar/la Birmanie :

Voir également les 5 reportages d'Arte sur les triades chinoises et taïwanaises qui expliquent comment le grand nettoyage (sao hei) sur le continent par Xi Jinping et les luttes à Taïwan ont amené tout ce crime organisé à s'implanter en Asie du Sud-Est.

Bref, c'est probablement sans rapport avec tes échanges actuels, mais comme on dit, un homme averti en vaut deux.
 
Dernière édition:
C'est en effet assez surprenant...
Normalement DingTalk, est utilisé par les entreprises, et les Ecoles, communication entre collègues , Prof, élèves, parent. globalement c'est pour les professionnels
 
Normalement DingTalk, est utilisé par les entreprises, et les Ecoles, communication entre collègues , Prof, élèves, parent. globalement c'est pour les professionnels
Oui c'est un peu comme zoom mais c'est pas commun de l'utiliser dans la sphère privée...
 
C'est effectivement surprenant, et sans savoir si c'est lié, cela pourrait aussi s'expliquer par un phénomène qui mérite de faire attention...

Pour te donner du contexte : il y a actuellement environ 150 000 personnes, dont une majorité de Chinois, qui sont enfermées contre leur gré au Cambodge (depuis le Covid) et en Birmanie (en guerre civile), suite aux pressions exercées par la Chine sur le Cambodge qui ont obligé les triades a trouver un nouveau lieu.

Ces personnes sont forcées d'arnaquer en ligne des gens du monde entier. On retrouve pas mal de jeux d'argent truqués et énormément de fausses relations à distance. Les personnes sont réelles et peuvent même avoir des échanges sincères dans l'absolu.

Le but n'est que rarement d'arnaquer immédiatement. Parfois même, elles rendent l'argent reçu d'un premier don ou prêt pour donner tous les signes qu'on peut leur faire confiance. Et puis un jour, quand la personne est amoureuse et en totale confiance, "on égorge le cochon" comme ils disent, après l'avoir engraissé au maximum. Soit par des demandes d'argent, soit par des logiciels espions installés sur ton ordinateur ou téléphone pour vider tes comptes.

De plus en plus, ces personnes se retrouvent bannies d'Alipay et WeChat, soit pour y avoir commis leurs méfaits, soit pour avoir blanchi de l'argent. Quand elles ne sont pas bannies, elles préfèrent limiter leur utilisation pour réduire les risques et éviter des problèmes avec la loi le jour où elles seront libérées. Du coup, l'utilisation d'autres applications moins surveillées est un mode opératoire courant.

Si tu as entendu parler des arnaques aux "brouteurs" en Côte d'Ivoire, c'est le même principe mais à une autre échelle. D'autant qu'ils utilisent de vraies Chinoises innocentes (ou moins innocentes) pour mener ces arnaques par chat et, le cas échéant, par visio. Elles doivent faire du chiffre pour espérer retrouver un jour la liberté et ne pas être battues.

Si tu veux en savoir plus sur ce phénomène, voici quelques sources :

Le film "No more bets" sur Netflix :

Ou des documentaires sur le Myanmar/la Birmanie :

Voir également les 5 reportages d'Arte sur les triades chinoises et taïwanaises qui expliquent comment le grand nettoyage (sao hei) sur le continent par Xi Jinping et les luttes à Taïwan ont amené tout ce crime organisé à s'implanter en Asie du Sud-Est.

Bref, c'est probablement sans rapport avec tes échanges actuels, mais comme on dit, un homme averti en vaut deux.
J'ai également pensé aux scameuses Cambodgiennes ou Birmanes ...

Mais dans l'hypothèse d'une telle arnaque, quel serait l'intérêt de faire venir la victime en Chine ?
 
J'ai également pensé aux scameuses Cambodgiennes ou Birmanes ...

Mais dans l'hypothèse d'une telle arnaque, quel serait l'intérêt de faire venir la victime en Chine ?
je ne dis pas que c'est le cas, j'évoque juste la possibilité pour qu'il sache réagir au cas ou...
Tu n'es jamais à l'abris a quelque jour du voyage ou un peu en amont afin de tout réserver que des demandes soient faites... donc je préfère le prévenir au cas ou...
 
otage + demande de rançon ? ça peut arriver en Chine ?
Oui plein de famille de chinois ont du payer des rançons pour faire libérer leurs proches dans les camps du Cambodge (et j'imagine pareil maintenant qu'ils sont au Myanmar. Les enlèvements par contre se font généralement dans des pays tier d'Asie du sud est après avoir prétexté une opportunité de job ou autre.

Pas mal des personnes internées au bout d'un moment peuvent échanger leur droit de partir contre le fait de recruter de nouveaux candidats...
 
Oui plein de famille de chinois ont du payer des rançons pour faire libérer leurs proches dans les camps du Cambodge (et j'imagine pareil maintenant qu'ils sont au Myanmar. Les enlèvements par contre se font généralement dans des pays tier d'Asie du sud est après avoir prétexté une opportunité de job ou autre.

Pas mal des personnes internées au bout d'un moment peuvent échanger leur droit de partir contre le fait de recruter de nouveaux candidats...
Je crois que @Sacapatates parlait du risque pour l'OP d'être pris en otage lors de son voyage à Yinchuan ...
 
otage + demande de rançon ? ça peut arriver en Chine ?
vous lisez peu la presse..


pour ne citer que ceux ci

en complément, GW le français du célèbre MH, a eu ce genre de propal aussi :

personnellement j'imaginerai jamais rencontrer une "personne d'internet" dans un pays que je connais pas ou mal, surtout pour une relation affective et qui tourne autour d'un voyage : meme si l'intention n'est pas malveillante, les probabilités que "ca se passe bien" sont relativement faibles, d'autant que c'est pas qu'une question de culture, mais de caractère individuel, d'habitudes, etc... Un voyage en amoureux ne peut etre réussi, amha, sans bien connaitre la personne, comme une vie à deux depuis plusieurs années.

La fameuse idylle du coup de foudre reste quand meme loin d'être courant, ni possible à tous ;)

Je crois que @Sacapatates parlait du risque pour l'OP d'être pris en otage lors de son voyage à Yinchuan ...
Même plus besoin d'être pris en otage, le faire croire suffit :





Oui plein de famille de chinois ont du payer des rançons pour faire libérer leurs proches dans les camps du Cambodge (et j'imagine pareil maintenant qu'ils sont au Myanmar. Les enlèvements par contre se font généralement dans des pays tier d'Asie du sud est après avoir prétexté une opportunité de job ou autre.

Pas mal des personnes internées au bout d'un moment peuvent échanger leur droit de partir contre le fait de recruter de nouveaux candidats...
 
Oui j'avais vu un reportage bien fait sur CNA


quand on parle du loup...




Enquête
En Birmanie, au cœur des « centres d’arnaques » tenus par la mafia chinoise

ENQUÊTE. Pour faire tourner leurs usines à arnaques, les cybercriminels chinois enlèvent des miséreux qu’ils forcent à dérober des milliards de dollars dans le monde entier.

De notre envoyé spécial en Birmanie, Jérémy André
Publié le 01/08/2025 à 08h00

Coup de filet. Environ 200 Chinois soupçonnés de fraude ont été rapatriés de Myawaddy (Birmanie) dans leur pays, le 20 février.
Coup de filet. Environ 200 Chinois soupçonnés de fraude ont été rapatriés de Myawaddy (Birmanie) dans leur pays, le 20 février. © CHINE NOUVELLE/SIPA

C'est une histoire folle, à peine croyable. Youssef Amzouz, un Marocain de 27 ans, est revenu dans son village natal d'Azilal, aux confins de l'Atlas, où il se reconstruit peu à peu. Au printemps 2024, un autre Marocain, qu'il prénomme Haj, lui a promis un emploi aux revenus mirobolants, jusqu'à 20 millions de dirhams marocains (20 000 euros) par mois. Tous deux étaient alors en Turquie, le job était en Asie. « Attention, ça sera difficile », l'a prévenu son compatriote.

Après un détour par l'Autriche et une escale à Kuala Lumpur, en Malaisie, Youssef atterrit le 18 avril 2024 à Bangkok. À sa descente d'avion, tel un VIP, il est conduit en voiturette jusqu'à la police aux frontières puis, à la sortie du terminal, il prend place à bord d'un SUV avec chauffeur. Après des heures de route, le jeune homme se retrouve le soir dans un hôtel miteux d'une petite ville, Mae Sot, proche de la frontière birmane. En plein milieu de la nuit, un second chauffeur le convoie sur de petites routes. Il s'attend à enfin arriver au site de son nouvel employeur. Mais débarqué près d'une rivière, Youssef est accueilli par huit hommes en armes. « Le masque est tombé, j'ai compris que c'était une supercherie », se souvient Youssef Amzouz.

Une « villa transformée en prison » par la mafia

Une petite barque lui fait traverser la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, et de l'autre côté, il est conduit par un troisième chauffeur. Il parvient à « l'entreprise » Taichang. Il la décrit comme une « villa transformée en prison », un véritable camp de travail. Son téléphone portable est confisqué. Un Chinois, chef des « ressources humaines », vient lui parler. « Nous sommes une mafia connue sur toute la planète. Trois choix s'offrent à toi, déroule sans ambages le caïd. Ou bien tu travailles pour nous dans ce centre. Ou bien tu recrutes d'autres employés, et cela te rapportera 10 000 dollars par tête. Ou tu paies, et tu peux partir. » La somme exigée, 10 000 dollars, outre les frais de son acheminement, est astronomique. « J'ai tenu tête, poursuit Youssef. Alors, ils m'ont emmené dans la “black room” [“salle noire”, NDLR]. »

Le jeune Marocain vient de pénétrer dans l'univers sans pitié des « centres d'arnaques ». Les premières de ces usines de fraude ont été fondées par des mafieux chinois à la fin des années 2010, d'abord au Cambodge, autour des casinos de Sihanoukville, avant de s'étendre en Birmanie, plongée dans le chaos par un coup d'État en 2021.

Yatai International, dans la zone de Shwe Kokko, le long de la rivière Moei, en Birmanie. Les cités du crime ont de faux airs de Las Vegas, avec leurs tours casinos illuminées la nuit. © BRENNAN O'CONNOR POUR « LE POINT »

Directeur pour la Birmanie à l'Institut des États-Unis pour la paix (abrégé Usip en anglais), un centre de recherche lié au Congrès, Jason Tower est le spécialiste de référence sur le sujet. D'après ses estimations, cette toute jeune industrie moissonne 70 milliards de dollars dans le monde chaque année. « C'est le marché illégal à la croissance la plus forte », résume le chercheur américain. L'industrie des arnaques en ligne s'est ainsi hissée en cinq ans au niveau de celle des paris en ligne illégaux – évalués eux pour la Chine à 40 à 80 milliards de dollars.

C’est le marché illégal à la croissance la plus forte.
Jason Tower, directeur pour la Birmanie à l’Institut des États-Unis pour la paix

Taichang, également appelé Kyauk Khat, est l'un des plus importants centres d'arnaques qui pullulent autour de la capitale mondiale de cette industrie morbide, la ville frontalière avec la Thaïlande de Myawaddy, dans l'État Karen, dans l'est de la Birmanie. Selon l'Usip, entre 150 000 et 200 000 personnes travaillent dans de tels scam centers birmans, dont 100 000 dans la seule région de Myawaddy. Ces établissements sont fondés par des mafias chinoises en partenariat avec les milices karens de Birmanie, l'ethnie qui domine la région.

Présentées à l'origine comme des projets touristiques et du secteur de la tech, ces cités du crime ont de loin de faux airs de Las Vegas de la jungle, avec leurs casinos illuminés la nuit. De près, le mirage se dissipe. Les bureaux s'entassent dans des immeubles industriels rudimentaires. Ils sont cernés de murs d'enceinte couverts de barbelés, sous bonne garde de miliciens équipés d'armes de guerre. Près de Myawaddy, d'après Youssef Amzouz, des Français travaillent dans une unité spécialisée visant la France. « Le centre KK 3, énorme, emploie un grand nombre de Français », confie-t-il.

L'Usip évalue les recettes de ces escrocs asiatiques à 46 milliards de dollars pour la Chine, et à plus de 5 milliards de dollars en 2024, rien que sur le territoire des États-Unis ! Le FBI a reconnu en 2024 avoir retrouvé pas moins de 4 300 victimes dans la totalité des 50 États américains. Le Moyen-Orient, le Maghreb, l'Afrique, l'Europe subissent aussi les razzias. Un rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime d'avril 2025 liste le Vieux Continent en tête des cibles des arnaques menées sur la plateforme de cryptomonnaie Huione, rebaptisée Haowang, basée au Cambodge. En France, une source à la police judiciaire affirme par contre qu'il n'y a aucune victime avérée en France et qu'aucune enquête n'a été ouverte. Les arnaqueurs en ligne d'Afrique de l'Ouest ou liés à Israël et à la Géorgie restent la principale menace de ce type. Mais la centralisation des données peut être imparfaite, et comme dans toutes les arnaques, les plaintes ne sont que la partie émergée de l'iceberg.
Les « scammers » et « l'engraissage de porcs »

Pour s'attaquer à toutes les régions du monde, les cybercriminels du bassin du Mékong recrutent, ou piègent, des « employés » venus des cinq continents, mais surtout d'Afrique subsaharienne. Olivier N., 39 ans, un Rwandais de Kigali, a échoué lui aussi dans le centre de Kyauk Khat, village frontalier perdu au cœur de la jungle. Arrivé le 24 novembre 2024, il découvre un open space muni d'une centaine de postes informatiques. La salle tourne, comme dans tous les centres d'arnaques, en horaires décalés et harassants, dix-sept heures d'affilée, de 15 heures à 7 heures du matin. L'équipe se compose de deux douzaines de Chinois et d'une cinquantaine d'Africains, de Népalais, d'Indonésiens, d'Indiens… pour la plupart des hommes. Un « boss » chinois surveille en permanence la salle depuis un bureau dissimulé derrière une vitre teintée.

Au sud de Myawaddy, le portail d'un centre d'escroquerie en construction, dans une zone tenue par des rebelles karens. © BRENNAN O'CONNOR POUR « LE POINT »
Au sud de Myawaddy, le portail d'un centre d'escroquerie en construction, dans une zone tenue par des rebelles karens. © BRENNAN O'CONNOR POUR « LE POINT »

Olivier ose enfin protester : « Vous m'avez kidnappé. » Le « manageur » chinois qui l'accueille a brusquement « changé de visage ». « J'ai réalisé que j'étais en danger, se rappelle Olivier. Trente minutes après, ils ont frappé fort une femme. J'ai demandé ce qu'elle avait fait. Mon voisin m'a chuchoté : “Tu restes calme, concentre-toi sur l'ordinateur, on se parlera après.” »
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Plus sophistiqués que les classiques « brouteurs » africains, adeptes du phishing (e-mails piégés), ces « scammers », surnom des employés, pratiquent ce que les experts appellent l'« engraissage de porcs » (« pig butchering », en anglais). À son poste, chaque recrue a des dizaines de comptes gérés sur ordinateur par le biais d'une interface, adaptée par les triades, ou sur plusieurs smartphones – une quinzaine par employé dans le centre de Kyauk Khat, avec pour chacun un numéro WhatsApp différent. Des mannequins ou des influenceurs servent de modèles pour les photos de profil et dans les appels vidéo. « C'est comme s'ils avaient créé une fille qui existe vraiment, hallucine encore Olivier. Japonaise, Sud-Coréenne avec une beauté naturelle, faux passeport, mannequin designer de mode, top modèle qui s'appelle Alicia… »

Photo extraite d’une vidéo montrant un employé menotté d’un centre d’arnaques de Myawaddy se faire électrifier. © BRENNAN O'CONNOR POUR « LE POINT »
Photo extraite d’une vidéo montrant un employé menotté d’un centre d’arnaques de Myawaddy se faire électrifier. © BRENNAN O'CONNOR POUR « LE POINT »

Pour tromper la méfiance de leurs victimes, ces escrocs vendent d'abord du rêve, affichent des success storys, en Thaïlande, à Dubai, à Paris, aux États-Unis… Quand on leur demande enfin la source de leur fortune, ils prétendent avoir trouvé une martingale sur une plateforme de cryptomonnaie. « Tu tchates avec quelqu'un pendant quatre jours pour créer la confiance, décrit Olivier. Et le quatrième jour, tu envoies un lien. » Ce lien conduit à l'inscription sur une plateforme de crypto. « Le client te fait confiance parce que tu lui as montré comment gagner de l'argent, décrypte l'ancien ouvrier de la fraude. On lui fait ce qu'on appelle une “injection”, on lui envoie de l'argent, par exemple 100 dollars, alors, il croit que c'est vrai. »

Quand le naïf a perdu toute prudence, un investissement beaucoup plus massif lui est proposé, quelques milliers d'euros, parfois des dizaines, voire des centaines de milliers pour les plus fortunés. « Ils appellent ces gens des “clients”, mais ce sont des victimes, réprouve Olivier. Certains vendaient leur voiture, leur maison… Mais tout était faux. En vérité, le client transférait son argent sur un compte des Chinois. » Soudain, tout disparaît, les profils, l'accès à l'application… Dans sa bio sur un réseau social, le boss chinois avait écrit : « Nous ne faisons pas d'arnaques, nous redistribuons l'argent en fonction des QI. »

<figure> <figcaption>Retour par bateau vers la frontière thaïlandaise de victimes de centres d’escroqueries, le 12 février 2025. Au total, 7 000 forçats de 12 nationalités ont été récupérés en début d’année.</figcaption> </figure> © Krit Phromsakla Na Sakolnakorn / REUTERS
Retour par bateau vers la frontière thaïlandaise de victimes de centres d’escroqueries, le 12 février 2025. Au total, 7 000 forçats de 12 nationalités ont été récupérés en début d’année.
© Krit Phromsakla Na Sakolnakorn / REUTERS

Seuls certains jobs rapportent gros dans ces centres d'escroquerie. Les modèles qui jouent les faux comptes touchent jusqu'à 8 000 dollars par mois. Le chef d'Olivier a empoché 3 000 dollars pour avoir raflé 110 000 dollars en un mois avec son équipe d'une dizaine de personnes. Mais, tout au bas de l'échelle, le salaire est tout au plus d'un millier de dollars par mois – et encore, quand la solde n'est pas réduite à néant par des amendes injustes, pour avoir enfreint des règles, sous-performé ou être tombé malade… Ou qu'elle n'est pas dilapidée auprès de prostituées ou en achats de drogues, comme les méthamphétamines et les opiacés produits dans le Triangle d'or voisin.
Les tortures de la salle noire

Olivier tente de s'évader deux fois durant les dix premiers jours. Rattrapé, il est jeté dans la « salle noire ». Trois jours de « torture générale », décrit-il, roué de coups, électrifié à répétition. Il assiste à bien d'autres sanctions. Les récalcitrants peuvent être menottés pendant quatre heures en plein soleil, forcés de porter des blocs de ciment sur 100 mètres, ou d'accomplir 200 squats avec un bidon d'eau sur les épaules…

Début 2025, une Nigériane vendue par un scam center du Cambodge refuse de travailler. « Le boss l'a envoyée dans la chambre noire, accuse Olivier. Elle y a passé trois jours. Quand elle est retournée au bureau, elle était à moitié morte. Son mari a obtenu d'aller à l'hôpital. Le manageur l'a autorisé en lui disant : “Si le docteur te demande ce qui s'est passé, dis qu'elle est tombée dans l'escalier.” » Le Rwandais s'emporte : « Ces gens sont des monstres. Ils vendent les gens comme des moutons au marché ! »

Youssef a, lui aussi, vécu l'enfer de la salle noire, en avril 2024. Menotté, il a été pendu par les pieds, bastonné et électrocuté durant deux jours. « Ils s'acharnent tellement que tu as envie de mourir », en frissonne encore le Marocain, qui a cédé au chantage à la rançon. Il implore qu'on le sorte de là dans une publication sur Instagram, immédiatement virale. Sa mère supplie le ministre marocain des Affaires étrangères dans un courrier.
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Deux mois ont été nécessaires pour payer et organiser son exfiltration. L'affaire a révélé que plus de 200 Marocains étaient, comme lui, pris au piège en Birmanie. Grâce à des humanitaires locaux investis dans la lutte contre le trafic d'êtres humains, des dizaines d'entre eux sont sortis, au compte-gouttes, depuis. Mais au milieu des « vraies victimes » se mêlent des « arnaqueurs complices », reconnaissent les bienfaiteurs qui les ont sortis de là.

« Les Marocains ont été les plus difficiles de tous ceux que nous avons aidés », rumine l'un de leurs sauveurs. À leur retour au Maroc, quatre de ces « survivants » ont été inculpés et incarcérés pour complicité avec ces organisations criminelles dans la traite d'êtres humains, la séquestration et l'enlèvement d'autres « recrues » marocaines. L'un de leurs avocats, Yassine Moujane, assure au Point que ce sont aussi des « victimes », « escroquées par des gangs et des milices armées », qui les ont elles-mêmes « détenues sous la torture » – comme Youssef Amzouz s'est vu imposer le choix entre esclavage, rançon ou complicité pour attirer des recrues. Leur procès s'est ouvert ce jeudi 31 juillet à Casablanca.

Face à cette mauvaise publicité pour son image de destination touristique, Bangkok a d'abord tenté de couper l'électricité et l'Internet aux scam centers de Myawaddy. En janvier, le cas d'un acteur chinois, Wang Xing, disparu le mois précédent, a obligé Pékin à s'impliquer, dépêchant des délégations auprès des groupes armés karens maîtres de la région. Dans le viseur des autorités chinoises et américaines : les ex-Border Guard Forces (BGF, forces de gardes-frontières), une milice karen longtemps alignée sur la junte birmane. Prétendant faire le ménage, l'organisation, rebaptisée « Armée nationale karen », a officiellement pris ses distances avec l'armée birmane en 2024, et émis des déclarations contre le trafic d'êtres humains et le travail forcé. Elle a organisé le départ d'une grande partie des employés étrangers des scam centers de son territoire. Début 2025, 7 000 forçats de 12 nationalités ont été réceptionnés en Thaïlande, avant leur rapatriement vers leurs pays d'origine.

<figure> <figcaption>Le 7 janvie 2025, l’acteur chinois Wang Xing a été retrouvé par la police thaïlandaise. Un mois plus tôt, il avait été kidnappé puis envoyé en Birmanie pour travailler dans un scam center.</figcaption> </figure> © AP/SIPA
Le 7 janvie 2025, l’acteur chinois Wang Xing a été retrouvé par la police thaïlandaise. Un mois plus tôt, il avait été kidnappé puis envoyé en Birmanie pour travailler dans un scam center.
© AP/SIPA

Six mois plus tard, cependant, d'autres affaires de mannequins chinois disparus refont surface. Les entreprises soupçonnées d'être liées aux mafias, comme Yatai International et TransAsia International, ont toujours pignon sur rue, en Thaïlande et en Birmanie. Une partie du secteur avait, certes, trouvé refuge au Cambodge. Mais un violent conflit entre Bangkok et Phnom Penh a éclaté le 24 juillet, faisant déjà 35 morts. Au poste frontalier cambodgien de Chong Sai Taku, un centre d'arnaques a même été bombardé par l'artillerie thaïlandaise. De quoi pousser certaines mafias à refluer vers la Birmanie.
« Pas qu'un cauchemar humanitaire, un cauchemar politique »

En Birmanie, l'industrie continue inexorablement de s'étendre. D'autres milices lui ouvrent les bras. L'Armée bienveillante démocratique karen (DKBA, selon l'abréviation anglaise), une des innombrables branches de la rébellion, contrôle des jungles au sud de Myawaddy. Là, dès janvier, Le Point a pu observer la construction de plusieurs bâtiments au bord de la rivière Moei, dans le village de Minletpan et à Kyauk Khat.

Les chefs karens nient pourtant tout lien avec les opérations criminelles. Dans sa maison proche de la frontière avec la Thaïlande, leur « chef d'état-major », le général Saan Aung, hausse les épaules : « Nous avons eu une réunion avec les Chinois, ils ont exigé que l'on fasse quelque chose contre le trafic d'êtres humains à Shwe Kokko. Comme ils ne sont pas satisfaits, ils ont fait en sorte que les Thaïs bouclent la frontière. »

En plein blocus, il se délasse le reste de la journée entre les mains de masseuses… Mi-février, dans une interview à la presse locale, il a envoyé un message clair à Pékin : « Nous ne livrerons pas ces “fraudeurs de Telegram” à la Chine à la demande, car la Chine ne nous a pas donné de riz. » Une manière à peine voilée de réclamer une compensation.

Menant une délégation pour discuter des centres d'escroquerie, le ministre adjoint chinois de la Sécurité publique, Liu Zhongyi, passe devant un bureau de Yatai International, une entreprise liée aux scam centers, à l'aéroport de Mae Sot. © BRENNAN O'CONNOR POUR « LE POINT »
Menant une délégation pour discuter des centres d'escroquerie, le ministre adjoint chinois de la Sécurité publique, Liu Zhongyi, passe devant un bureau de Yatai International, une entreprise liée aux scam centers, à l'aéroport de Mae Sot. © BRENNAN O'CONNOR POUR « LE POINT »

« Personne ne part en guerre contre ce phénomène, ironisait dès janvier Judah Tanah, l'un des humanitaires les plus en pointe dans le sauvetage des victimes de trafic d'être humain par les mafias des centres d'arnaques. Ce n'est pas qu'un cauchemar humanitaire, c'est un cauchemar politique. » La corruption des mafias neutralise toutes les campagnes de lutte. « Et même si l'on stoppe vraiment le trafic d'êtres humains, cela n'arrêtera pas le développement de cette activité criminelle », analyse cet Australien qui, depuis Mae Sot, a sorti des milliers de forçats des griffes des mafias.

L'industrie de la fraude a apporté des revenus gigantesques à des régions totalement abandonnées par la communauté internationale. Depuis des années, les leaders karens exigent, comme le général Saan Aung de la DKBA, que les organisations humanitaires et les grandes puissances viennent en aide d'un État frontière ravagé par la guerre. « S'ils chassent les centres d'arnaques, les Karens devront dire adieu à un argent qu'ils n'ont jamais eu auparavant », explicite Judah Tanah.

À la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, les forces de l'ordre thaïlandaises supervisent le transfert de Chinois employés dans les centres d'arnaques. © Brennan O'Connor / BRENNAN O'CONNOR POUR « LE POINT »
À la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, les forces de l'ordre thaïlandaises supervisent le transfert de Chinois employés dans les centres d'arnaques. © Brennan O'Connor / BRENNAN O'CONNOR POUR « LE POINT »

D'après une enquête de l'Usip, la DKBA traite avec ces groupes criminels par l'intermédiaire d'un officier d'origine chinoise, Sai Kyaw Hla, recruté pour son expérience passée dans le Triangle d'or. « Il a été amené dans la DKBA par Saan Aung, raconte le chercheur Jason Tower. C'est l'homme chargé des finances de la DKBA. Il a des contacts avec des trafiquants de drogue de l'État Shan. » Le groupe rebelle protège désormais des centres à la sinistre réputation… comme celui de Kyauk Khat. « La DKBA n'a pas proscrit la torture, contrairement aux grands centres comme Shwe Kokko, rapporte l'enquêteur de l'Usip. Kyauk Khat est connu comme étant l'un des plus violents. C'est un centre d'entraînement pour les arnaqueurs. Ils y sont brisés et programmés pour commettre ces fraudes. »
Des rapatriés souvent démunis

Ruthenford K., lui, est arrivé à Kyauk Khat la veille de Noël 2024. Originaire de l'ouest du Cameroun, ce jeune homme, 29 ans à l'époque, travaille aux Émirats arabes unis depuis l'été 2023. Un ami africain rencontré là-bas, un certain Aurélien, lui aurait vanté des « fêtes à Bangkok, aussi chaudes qu'à Dubai ». Il s'embarque le 22 décembre pour l'Asie – qu'il connaît pour avoir vécu quatre ans en Chine, à la fin des années 2010. « Cette mafia chinoise a de bonnes connexions avec les services de l'immigration à Bangkok », confirme-t-il. Il s'endort dans la voiture pour la frontière, passe la nuit sous bonne garde dans un des hôtels de Mae Sot, est conduit à l'aube à travers la rivière frontalière à Kyauk Khat. Cerné de « rebelles avec des AK47 », il rumine : « Dans quelle merde je me suis foutu ? »À LIRE AUSSI Des Triades de Macao à la Birmanie, le règne du mafieux superstar « Dent cassée »

Contrairement à Youssef et à Olivier, Ruthenford ne se rebelle pas, espère tenir dix-huit mois, la durée du « contrat » qu'on lui impose. Son obéissance et sa maîtrise de l'anglais lui valent rapidement une promotion comme chef d'équipe. « Je devais punir mes subordonnés, à la hauteur de leurs erreurs, sinon, c'était moi qu'on punissait. Chaque jour, j'avais des menaces de mort. Le boss m'assurait : “On va te retirer tes organes.” » Des troubles ont commencé la deuxième semaine de janvier, quand la nouvelle de l'implication de la Chine se répand. À Kyauk Khat, des groupes sont vendus, d'autres s'évadent. D'après un autre survivant du camp retrouvé par Le Point, un Éthiopien est tué en s'évadant.

Le 15 février, au lieu d'aller au bureau, Ruthenford et Olivier conduisent au portail une quinzaine de forçats décidés à partir. Au terme d'un face-à-face tendu, les mafieux chinois cèdent et laissent la DKBA les emmener dans une villa à quelques kilomètres. Olivier, le Rwandais, est rapatrié dès le mois de mars. Les Camerounais devront attendre durant plusieurs mois, jusqu'à ce que leur gouvernement accepte d'organiser leur rapatriement, en partenariat avec l'Organisation internationale pour les migrations. Le 18 juin, Ruthenford est retourné au Cameroun. Les rapatriés se retrouvent souvent démunis, avec pour tout pécule une enveloppe de 100 dollars remise par l'OIM, dans des pays très pauvres, qu'ils avaient fuis pour le mirage promis par les mafias.

Rapatriement de ressortissants chinois à l'aéroport de Mae Sot, suite à la campagne de lutte contre les centres d'escroquerie en Birmanie, février 2025. © BRENNAN O'CONNOR POUR « LE POINT »

« Beaucoup sont encore prêts à céder à nouveau à l'offre de ces Chinois, au Cambodge, au Laos… J'en connais même qui sont déjà retournés dans ces pays pour le même travail », enrage Steve, un autre Camerounais du même groupe de Kyauk Khat. « Dans les pays de départ, il y a très peu de prévention, confirme et dénonce à son tour Johanna Chardonnieras, coordinatrice d'Info Birmanie, une organisation non gouvernementale française qui a enquêté sur le phénomène. Cela conduit inévitablement à un grand nombre de revictimisation, des personnes enlevées qui retournent d'elles-mêmes travailler pour les mafias. » L'ex-chef d'équipe Ruthenford a de nouveau disparu. D'après l'un de ses anciens compagnons d'infortune, il aurait répondu à une nouvelle offre dans un scam center.

Commentaires (4)

riche bélître 02-08-2025 • 15h47
Bravo pour la qualité du reportage.

Mr. Spoke 02-08-2025 • 09h00
Reportage édifiant. Merci au Point

un loup blanc 01-08-2025 • 20h07
20 millions de dirhams marocains représentent environ 2 millions d’euros, pas 20. 000 euros.