
- Choc technologique : Les dirigeants occidentaux découvrent des "usines sombres" entièrement automatisées où les robots travaillent sans lumière ni supervision humaine
- Domination robotique : La Chine a déployé 2 millions de robots industriels en 10 ans et ajoute 295 000 unités par an (vs 2 500 pour le Royaume-Uni)
- Impact automobile : BYD et autres marques chinoises développent des véhicules en moitié moins de temps que les européens, avec des technologies de pointe intégrées

Quand Jim Farley, le PDG de Ford, revient de Chine en juillet dernier, ses mots sont sans appel : « C'est la chose la plus humiliante que j'aie jamais vue ». Après avoir visité plusieurs usines chinoises, le patron de l'automobile américaine découvre un niveau d'automatisation et d'innovation qui dépasse tout ce qu'il connaît en Occident.
Et il n'est pas le seul. De nombreux dirigeants internationaux rentrent de leurs voyages en Chine avec le même constat : le pays a franchi un cap technologique majeur, notamment grâce à la robotique industrielle. Décryptage d'une transformation qui redéfinit les équilibres économiques mondiaux.
Des "usines sombres" où les robots travaillent seuls
Le terme peut sembler sorti d'un film de science-fiction, mais c'est bien la réalité que découvrent les visiteurs. Greg Jackson, patron du fournisseur d'énergie britannique Octopus, décrit sa visite dans une usine de téléphones portables :Greg Jackson a dit:Le processus était si fortement automatisé qu'il n'y avait pas de travailleurs du côté de la fabrication, juste un petit nombre qui étaient là pour s'assurer que l'usine fonctionnait. Vous avez ce sentiment d'un changement, où la compétitivité de la Chine est passée des subventions gouvernementales et des bas salaires à un nombre considérable d'ingénieurs hautement qualifiés et éduqués qui innovent comme des fous.
Le milliardaire australien Andrew Forrest, à la tête du géant minier Fortescue, va encore plus loin dans sa description :
Andrew Forrest a dit:Je peux vous emmener dans des usines maintenant, où vous serez essentiellement le long d'un grand convoyeur et les machines sortent du sol et commencent à assembler des pièces. Et vous marchez le long de ce convoyeur, et après environ 800, 900 mètres, un camion sort. Il n'y a personne – tout est robotique.
Les chiffres qui donnent le vertige
Les données de la Fédération internationale de robotique (IFR) confirment cette transformation spectaculaire :Pays | Robots ajoutés (2024) | Densité robotique* |
---|---|---|
Chine | 295 000 | 567 |
Allemagne | 27 000 | 449 |
États-Unis | 34 000 | 307 |
Royaume-Uni | 2 500 | 104 |
*Nombre de robots pour 10 000 travailleurs manufacturiers

Entre 2014 et 2024, le nombre de robots industriels déployés en Chine est passé de 189 000 à plus de deux millions. Une croissance exponentielle qui laisse loin derrière les économies occidentales.
La stratégie "remplacer les humains par des machines"
Cette transformation n'est pas le fruit du hasard. Elle s'inscrit dans une politique gouvernementale claire, baptisée « jiqi huanren » (机器换人) – littéralement "remplacer les humains par des machines".Les raisons de cette course à l'automatisation
- Problème démographique : avec une population vieillissante, la Chine anticipe la pénurie de main-d'œuvre
- Avantage concurrentiel : dominer les industries du futur (véhicules électriques, batteries, panneaux solaires, drones)
- Soutien massif de l'État : réductions fiscales remboursant jusqu'à 20% des dépenses en robots industriels
- Indépendance des chaînes d'approvisionnement : contrôler la production de bout en bout
Rian Whitton a dit:La Chine a un problème démographique assez notable, mais sa fabrication est, en général, assez intensive en main-d'œuvre. Donc, de manière préventive, ils veulent l'automatiser autant que possible, non pas parce qu'ils s'attendent à pouvoir obtenir des marges plus élevées – c'est généralement l'idée en Occident – mais pour compenser ce déclin démographique et obtenir un avantage concurrentiel.
L'impact sur les marchés : l'exemple de l'automobile
Le secteur automobile illustre parfaitement cette transformation. Les marques chinoises comme BYD ne se contentent plus de copier – elles innovent et surpassent souvent leurs concurrents occidentaux.Ce qui change concrètement
- Vitesse de développement : un nouveau modèle en moitié moins de temps qu'en Europe
- Technologies embarquées : logiciels de conduite autonome, reconnaissance faciale intégrée
- Rapport qualité-prix : intérieurs soignés à des tarifs compétitifs
- Production de masse : capacités d'échelle impressionnantes
En Grande-Bretagne, BYD a multiplié ses ventes par 10 en septembre 2025, dépassant des marques établies comme Mini, Renault et Land Rover.
Les implications pour l'Occident (et pour vous)
Pour les professionnels qui travaillent en Chine, notamment dans l'industrie, la tech ou l'automobile, cette évolution change la donne :Opportunités à saisir
- Expertise en robotique : la demande en ingénieurs qualifiés explose
- Intégration technologique : besoin de profils capables de faire le pont entre automatisation et production
- Consulting industriel : accompagner la transformation des usines
- Maintenance et optimisation : gérer ces systèmes complexes
Points d'attention
- Les emplois traditionnels dans la manufacture évoluent rapidement
- La maîtrise du mandarin devient encore plus cruciale pour comprendre les process
- Les standards internationaux peuvent différer des pratiques locales
- La concurrence s'intensifie sur les postes à haute valeur ajoutée
Le retard occidental se creuse
Pendant que la Chine accélère, l'Occident peine à suivre. Le Royaume-Uni a vu ses ajouts de robots chuter de 35% en 2024. La France fait mieux, mais reste loin derrière.Sander Tordoir, économiste au Centre for European Reform, tire la sonnette d'alarme :
Sander Tordoir a dit:La robotique, si elle est bien déployée, peut grandement améliorer la productivité de votre économie. Si la Chine y excelle extrêmement, alors nous devrions essayer de rattraper notre retard parce que, comme la Chine, une grande partie de l'Europe vieillit.
Le paradoxe de l'automatisation
Contre-intuitivement, les pays qui ont le plus automatisé lors du premier "choc chinois" des années 2000 ont mieux préservé leurs emplois industriels.Rian Whitton l'explique simplement : « Les pertes d'emplois se produiront de manière disproportionnée dans les pays qui ne s'automatisent pas. »
En d'autres termes : ne pas se moderniser conduit presque certainement à plus d'usines fermées. Mais sans robots pour les faire tourner.
Ce qu'il faut retenir
- La Chine a déployé 2 millions de robots industriels en 10 ans
- La politique "jiqi huanren" anticipe le vieillissement démographique
- Les marques chinoises innovent deux fois plus vite que leurs concurrents occidentaux
- L'Occident doit rattraper son retard sous peine de perdre ses industries
Source :
https://www.telegraph.co.uk/business/2025/10/12/why-western-executives-visit-china-coming-back-terrified/