Pourquoi plus personne ne sait nouer un nœud papillon ?
Raréfaction du dress code « black tie », hégémonie des modèles prénoués et décontraction du vestiaire ont eu raison de cette méthode traditionnelle. Explications.
Cette petite mention, au bas de l’invitation du dîner de célébration du 80e anniversaire du mythique tailleur romain Brioni, a fait frémir bien des invités.
« Dress code : black tie. » Soit l’habit de soirée traditionnel, datant de la fin du XIXe - veste de smoking, pantalon noir, chemise blanche et… nœud papillon. Le problème du « black tie » ? D’abord, il faut posséder un smoking, ce qui, par les temps qui courent, n’est pas (si) commun. Enfin, cerise sur le gâteau, il faut maîtriser le nouage du fameux nœud.
On ne s’inquiète pas franchement pour cet aréopage d’élégants (acteurs, stylistes, influenceurs), venus, après tout, célébrer l’un des grands noms de l’art du tailleur italiens. On pense même être le seul à se retrouver, quelques heures avant l’événement, devant un tutoriel sur YouTube, cherchant à comprendre comment transformer deux morceaux de soie noire en un « nœud pap » digne de ce nom - en toute transparence, on a abandonné à la troisième étape consistant, apparemment, à tenir l’un des pans dans sa bouche pendant que l’on glisse l’autre dans une boucle enroulée autour de son doigt. Mais qu’elle ne fût pas notre surprise d’apprendre que nous n’étions pas le seul à ne pas maîtriser cet exercice périlleux ! Le sujet fut même l’un des grands sujets de conversation de la soirée.
Mais pourquoi ce petit accessoire est-il tombé en telle désuétude ? Un signe des temps, sans doute : les occasions de porter le « black tie » traditionnel sont aujourd’hui de plus en plus rares. Une conséquence de l’allégement, ces dernières années, des codes vestimentaires - même à l’opéra, jadis repère des souliers vernis et des vestes de smoking, on est désormais en jean. Logiquement, les attributs liés à la tenue de gala, qu’il s’agisse du nœud ou du mi-bas en soie, de la ceinture idoine ou de la bande de satin filant le long de la jambe sur le pantalon, se perdent.
C’est d’autant plus vrai pour le nœud papillon que, ces dernières années, le marché a été inondé de modèles prénoués, petits ou grands, en soie ou en bois (à proscrire, évidemment, à moins que vous n’alliez à une convention d’ébénisterie). C’est d’ailleurs sur l’un d’eux que Lamine, 36 ans, a jeté son dévolu pour le mariage d’un de ses meilleurs amis.
« C’était le dress code des témoins : un nœud papillon blanc cassé, se remémore-t-il.
J’en avais trouvé un traditionnel, très beau, mais le hic, c’est que je suis gaucher, et que les vidéos explicatives sur le sujet sur internet sont plutôt dédiées aux droitiers. Je n’ai jamais réussi à l’entrelacer correctement moi-même, et j’ai donc dû me rabattre sur une version déjà faite ! » Même son de cloche pour un invité du dîner Brioni :
« Je n’ai jamais su le faire, il y a quelque chose qui m’échappe dans la logique même de l’exercice, nous confie ce quadragénaire, pourtant très chic dans son smoking noir à revers de soie.
Cela dit, je dois admettre que ça n’a jamais été un souci, tant les occasions d’en porter un sont rares. Pour ces soirs-là, j’ai fini par investir dans un nœud pap déjà noué. La clé fut d’en trouver un qui, justement, ne fait pas trop artificiel et peut passer pour avoir été noué par mes soins ! » En effet
, jurent les esthètes, on peut aisément reconnaître ceux déjà faits :
« Il est trop parfait, s’exaspère un Italien.
Ce n’est pas élégant, ce n’est pas la sprezzatura ! »

Raréfaction du dress code « black tie », hégémonie des modèles prénoués et décontraction du vestiaire ont eu raison de cette méthode traditionnelle. Explications.
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