Une analyse de la culture chinoise par l'apprentissage du mandarin

Rolf Smogogo

Membre Bronze
05 Juin 2013
39
1
28
Beijing
Le mandarin est une langue remplie de sagesse et d'histoire.
voici quelques expressions et analyses dont je voulais vous faire part:

Ps: Je suis conscient que l'on ne peut en général déduire le sens des mots en étudiant le sens "caractère par caractère"...


1) 逻辑:Luo ji =》 la logic
Interessant que ce mot soit une transcription phonétique. En effet, rare sont les "anglicismes" autres que les noms propres en mandarin.
En générale, le mandarin intègre des mots étrangers lorsque il est difficile, voir impossible de les traduire en utilisant leurs concepts ou mots:
noms de pays, certains mots appartenant à un lexique spécial (ex: lexique scientifiques: 基因:ji yin : gène ou gene en anglais...)
Il peut paraitre curieux de ne pas avoir un mot équivalant à "logic" en mandarin (autre qu'un anglicisme), ou d'avoir eu des difficultés à le traduire.
Le mandarin traduit bien "ordinateur en cerveau électronique, internet en toile etc..."
Alors que cela signifie-t-il ?
N'y a-t-il pas de logique traditionnellement en Chine ?

Une conclusion sur laquelle j'ai abouti qui est discutable bien évidemment:

Dans la culture chinoise traditionnelle, la notion de "logic" au sens occidentale du terme n'était pas un bon moyen d'argumentation.
Le concept de logique mathématique était lui aussi presque absent dans leur culture.

S'appuyer sur l'expérience commune était quant à lui le meilleur type d'argumentation.
En particulier, les événements historiques (il s'est déjà passé cela, donc...), l'expérience familiale ou encore les principes partagés par tous.
Lors de conflits (comme guerre de l'opium par exemple), les décisions prisent par le gouvernement s'appuient sur leur 4000 ans d'histoires.
Les leçons du passé sont une solution pour les problèmes présents.

Dans Un jésuite à la cours des Ming, Matéo Ricci 1552-1610 de Michela Fontana:

"Pendant la dinastie des Ming, les mathématiques étaient considérées comme une forme inférieure de connaissance et n'étaient pas une matière requise pour passer les examens impériaux".
ou encore,
" Les chinois, doués d'un génie pratique et empirique [...] étaient orientés plutôt vers l'algèbre que la géométrie, aimaient plutôt le calcul à la démarche hypothéticodéductible. Et raisonnaient de préférence par analogie, au lieu de passer par des étapes logiques et successives".

Forcé de constater que même si la société moderne chinoise a évidemment intégré le concept de logique mathématique, l'expérience commune ou encore cette forme "d'empirisme collectif" guident la plupart de leurs réactions encore aujourd'hui.
Culturellement, nous nous tournons plutôt vers un raisonnement logique provenant de notre héritage cartésien.
Peut être est ce l'une des raisons qui explique que l'on soit dérouté par certaines réactions...


2) 危机:wei ji : crise
Ce qui est interessant avec ce terme, c'est que "wei" signifie danger ou péril et que "ji" dans ce contexte signifie opportunité.
Chaque péril peut conduire vers quelque chose de positif ou encore est une opportunité.
On peut voir chaque crise comme une opportunité vers autre chose. Transformer une crise en qq chose de positif.
Personnellement, je trouve que cette vision est d'une grande sagesse.


3) 安:an la paix, la tranquillité, le calm...
Cette fois ci c'est le caractère que je trouve interessant. Une maison qui couvre une femme (Nv 女).
Une maison et une femme peuvent nous apporter la sérénité, la paix ou le calme .
Cette vision est plutôt masculine, mais souligne l'importance de la famille en Chine. Qui est une valeur plus développé que chez nous.
Chez nous, il est coutume de dire "faites l'amour pas la guerre"...
:)

4) 学而不思则罔,思而不学则殆。(Xue er bu si ze wang, si er bu xue ze dai)
La première partie de cette maxime confucéenne peut être traduite par:
Etudier sans penser mène à l'ignorance (ou l'aveuglement)
Ce qui est plutôt proche de la version française:
"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme."
Mais la tradition chinoise propose aussi la "réciproque":
"Penser sans apprendre mène à la perte" ou encore "Conscience sans apprentissage mène à l'inconscience" (au péril ou encore à l'inconscience).
C'est beau vous en conviendrez...


La première partie de cette phrase est emprunte dans notre culture française puisque l'esprit critique fait parti de l'éducation.
En revanche, la deuxième partie de cette phrase ne l'est pas vraiment. Enfin, c'est discutable mais c'est juste mon ressenti.
Dans la Chine actuelle, la deuxième partie de la maxime est plus importante.
Avant de pouvoir affirmer une opinion, il faut en savoir beaucoup, être un expert reconnu.
Mais une personne lambda n'ira jamais contredire son professeur ou une source de savoir provenant d'une instance hiérarchiquement supérieure (famille, professeur, plus âgée etc...)


5) 窈窕淑女,君子好逑 (yao tiao shu nv, jun zi hao qiu)
Cette expression ou dicton pourrait se traduire par "une femme élégante aux courbes voluptueuses va de paire avec un homme gallant (ou vertueux)".
Ce qui est déroutant, c'est que l'homme a juste besoin d'être "gentleman" pour avoir le merite d'être avec une femme possédant tout les charmes.
Réciproquement, l'idéal d'un homme aux milles vertus est une femme simplement élégante mais qui n'a pas forcément de qualités humaines.
Sans doute l'idéal ou le couple parfait dans la culture chinoise qui prendrait racine dans le poème
'关雎' (guān jū La belle amies), un des classiques les plus connus.
Dans ce poème, il y a une alternance entre l'image du naturelle et la séduction homme-femme. Ce qui laisse penser qu'il est naturel qu'une femme élégante et jolie soit avec un homme vertueux, mais qui pourrait être laid, ou alors qu'il soit naturel qu'un homme vertueux soit avec une femme simplement jolie.

Le couple idéal en Chine suppose donc une "complémentarité naturelle" plutôt qu'une vision égalitaire.


Rolf Smogogo
 
Dernière édition:
Votre premier mot me fait penser a cela. Ce qui est malheureux c'est que je vois cela se produire dans ma boîte...

Votre "bande dessinée" est drôle, je connaissais cette histoire. En un sens vous avez raison:
La banane serait la compréhension de la culture chinoise, les singes de bases seraient les chinois et les nouveaux arrivants seraient les laowai.
Cependant, nous ne sommes pas des Singes... Et l'analyse de la culture chinoise n'est pas.....une banane.
Forcé de constater que plus l'on reste en Chine, plus notre compréhension de la culture chinoise grandie (pour ceux qui cherche à grimper sur l'échelle), il apparait évident que votre allégorie est trop simpliste car ne tient pas compte d'une quelconque évolution !
Votre allégorie est manichéenne puisqu'à la fin il n'y a aucun avancement dans la quête "banane". Ainsi, donc elle serait un bon exemple pour les raisonnement binaire, ou pour tout ce qui est blanc ou noir.... a savoir pas grand chose...

L'utilisation d'allégories est limitée puisqu'elle tente de simplifier la réalité... Comme la science d'ailleurs.... Et oui comme mon analyse vraisemblablement...
Mais pour autant, est il idiot d'analyser ou tenter de comprendre la réalité dans laquelle nous vivons (grimper sur l'échelle) ???
La science, la religion et plus généralement notre connaissance provient de "singes" qui ont grimpé sur l'échelle !
Sans ça, on n'a plus rien ! on redeviendrait des singes !!
Pour le dire autrement, votre allégorie est simplement drôle, mais invite chaque être humain à l'inaction ou inactivité...

En conclusion, je souhaiterais vous faire part d'une autre allégorie que je trouve plus intéressante... Provenant du livre pour enfant "le monde de Sophie" de Jostein Gaarder:

Un vieux philosophe grec qui vivait il y a plus de deux mille ans pensait que la philosophie était née grâce à l'étonnement des hommes. L'homme trouve si étrange le fait d'être en vie que les questions philosophiques apparaissent d'elles-mêmes, disait-il.
C'est comme assister à un tour de prestidigitation : nous ne comprenons pas ce qui s'est déroulé sous nos yeux. Alors nous demandons : comment le prestidigitateur a-t-il transformé quelques foulards de soie en un lapin vivant ?
Beaucoup pensent que le monde est aussi incompréhensible que le coup du lapin qui sort du chapeau haut-de-forme qu'on avait pourtant cru vide. En ce qui concerne le lapin, on comprend qu'on s'est fait avoir. Mais comment il a fait, toute la question est là. Le problème est un peu différent quand il s'agit du monde. Nous savons que le monde n'est pas un tour de passe-passe car nous vivons sur cette terre et nous en faisons partie. Au fond, le lapin blanc qu'on sort du chapeau haut-de-forme, c'est nous. A la différence que le lapin blanc n'a pas conscience de participer à un tour de magie. Nous, c'est quand même différent. Nous nous sentons participer au mystère et aimerions bien comprendre comment tout ça est imbriqué.

P.-S : Concernant le lapin blanc, la comparaison avec l'univers serait plus juste. Nous autres ne serions que de toutes petites bestioles incrustées dans la fourrure du lapin. Les philosophes, eux, essaieraient de grimper le long d'un des poils fins afin de regarder le prestidigitateur dans les yeux.
 
Dernière édition: