Reflexions & ruptures sociologiques de notre epoque ...

«Nous entrons dans une nouvelle guerre froide qui pourrait marquer notre sortie de l’histoire» par Pierre-Henri d’Argenson haut fonctionnaire et ancien maître de conférences en questions internationales à Sciences Po.

FIGAROVOX/TRIBUNE - La pandémie révèle des évolutions profondes du système international que les Occidentaux ont souvent été tentés d’ignorer, analyse le haut fonctionnaire Pierre-Henri d’Argenson. Seules une politique de puissance et une vision réaliste des enjeux mondiaux permettront selon lui à l’Europe d’éviter la marginalisation stratégique.

Extrait :
Il est rare que l’on puisse tirer les enseignements d’une crise lorsque l’on est au milieu de celle-ci. Les grands bouleversements intervenus depuis la fin de la guerre froide n’ont ainsi pas toujours été déchiffrables au moment où ils se sont produits, sans doute parce qu’ils appartenaient à une ère de transition accouchant d’un monde nouveau qui se présente aujourd’hui, avec la crise du coronavirus, sous une lumière crue. La pandémie, en effet, agit comme un révélateur de tendances certes perçues par notre intellect, mais qui n’avaient pas suffisamment frappé notre imagination pour modifier nos représentations du monde. Or désormais le monde est nu, et nous n’avons pas d’autre choix que d’abandonner nos coupables pudeurs pour regarder la vérité géopolitique qu’il nous donne à voir, et les conséquences que nous devrons rapidement en tirer pour y survivre en hommes libres.

Nous ne croirons plus à l’article de la doxa mondialiste qui prétend que tout le monde est chez soi partout.

Examinons les faits. Trois choses absolument frappantes se sont produites durant la crise.
La première, c’est qu’aux premières alertes, chacun est rentré chez soi, dans son pays. Du jour au lendemain, les touristes sont passés du statut d’heureux voyageurs nomades à celui d’étrangers indésirables, parfois objets de comportements hostiles de la part des populations locales. La mondialisation heureuse venait de tomber le masque. Les citoyens du monde se sont évaporés. Le touriste, l’étudiant, l’homme d’affaires sont redevenus, chez les autres, ce qu’ils ont toujours été: des étrangers. Bien sûr, lorsque la crise sera passée, la circulation des biens et des personnes reprendra son cours, mais nous ne croirons plus, en particulier nous les Européens à qui l’on a enjoint de «s’ouvrir» toujours plus, à l’article fondateur de la doxa mondialiste qui prétendait que tout le monde est chez soi partout.

Le deuxième fait frappant est la quasi-absence de solidarité internationale dans la crise. Le virus, pas plus aujourd’hui que dans le passé, n’a été traité comme un ennemi commun de l’humanité. Chaque État a mis en œuvre sa stratégie propre, sans se coordonner avec les autres, sans faire appel aux organisations régionales et sans trêve des ambitions géopolitiques. Lorsque des aides ont été consenties, c’est avec des arrière-pensées si voyantes que leurs bénéfices pour l’amitié entre les peuples en ont été annulés. Cette compartimentation nationale de la lutte contre le virus oblige les élites européennes à admettre ce qu’elles récusent depuis des décennies: la nation reste la brique fondamentale de la société mondiale.

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Analyse connexe
 
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Le déconfinement : quelques enjeux par Thierry de MONTBRIAL Fondateur et Président de l'Institut français des relations internationales ,

Après mon premier édito il y a un mois (une éternité !), je reviens vers vous, sous la forme de quelques remarques concises.

1. Point n’est nécessairement besoin de recourir aux livres sacrés pour affirmer que l’actuelle pandémie remet l’homme en général, occidental en particulier, face à son penchant vers l’hubris. L’orgueil se heurtera toujours à la complexité de la nature qui dépasse et déjoue celle des œuvres humaines. J’espère que les apprentis sorciers, comme certains idéologues de l’« intelligence » artificielle, y trouveront matière à réflexion.

2. Certains m’ont reproché d’avoir dénoncé l’incurie des gouvernants face au surgissement du Covid19, parce que selon eux celui-ci était « imprévisible ». Encore faut-il s’entendre sur la notion de prévision. En 2015, Bill Gates avait solennellement tiré la sonnette d’alarme, en affirmant que le monde était beaucoup plus menacé par les virus que par les armes nucléaires. Bien d’autres personnalités moins célèbres avaient multiplié les avertissements de ce genre.
Plus un phénomène est complexe, plus il est difficile de dater l’apparition des « cygnes noirs » même identifiés. C’est la vraie difficulté, à la limite insurmontable. Dans mon édito du 30 mars, je faisais allusion à l’avènement d’une pandémie numérique. On peut tenir un tel événement pour certain, tout en s’avouant incapable de prédire quand et comment il pourrait survenir. Il faut cependant s’y préparer.

3. Les États, dont la responsabilité première est de protéger leurs ressortissants, doivent donc entretenir des capacités d’action face aux catastrophes prévisibles mais non datables. Or, les choix publics dépendent au moins autant de la culture des sociétés vis-à-vis du risque que de la qualité de leurs bureaucraties et de celles de leurs dirigeants du moment. De ce point de vue, la comparaison entre l’Allemagne et la France au cours des premières semaines de l’actuelle pandémie est à l’avantage de la première, alors que les deux pays dépensent en gros les mêmes montants pour leurs systèmes de santé. L’impréparation américaine est particulièrement troublante. En Asie, la situation est différente en raison de la fréquence des épidémies.

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Des personnes sensees dotees de capacites d'analyses existent fort heureusement ! Mais force est de constater que les degats collateraux du coronavirus seront superieur a celui ci ... Le dilemme est pourtant present comment ne pas confiner a la base des etats imprepares voir laxistes devant les mesures a prendre et de surcroit demunis de toutes protections individuelles pour leurs citoyens ! " That is the question " :hum:
 
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Comment gouverner en temps de pandémie ? Comment continuer à faire société quand la distanciation sociale s’impose ? Peut-on préserver à la fois l’économie et la vie des citoyens ? Familière des enjeux amplifiés par la pandémie, la communauté académique de Sciences Po a répondu sans attendre à l’impératif d’en saisir les impacts politiques, économiques et sociaux, sur le court terme et sur la longue durée.

"Cette crise affecte tous nos sujets de recherche" : 3 questions à Guillaume Plantin, Directeur scientifique

Question : La communauté scientifique de Sciences Po a pu très rapidement développer des analyses de fond sur les multiples facettes de la pandémie : Comment concilier travail de recherche et réactivité “à chaud” ?

Guillaume Plantin : Le choc sans précédent de la crise du Covid-19 a donné lieu à des réactions immédiates au sein de toutes les disciplines dans toutes les grandes universités de recherche. Un très grand nombre de chercheurs en sciences humaines et sociales ont mis leur expertise au service de la production rapide d’une analyse des implications de la crise et de propositions pour sa gestion. Je me réjouis que les universités de recherche aient su ainsi se mettre au service de la communauté et démontrer leur utilité sociale dans un contexte global de remise en cause de la démarche scientifique et des libertés académiques.

Certes, ces contributions à chaud n’ont pas toutes la rigueur et le caractère innovant de la recherche en régime de croisière. Mais la construction rapide d’un cadre intellectuel de fortune pour penser les développements immédiats de la crise fait partie des missions de la recherche. Sciences Po a pleinement pris sa part dans cet effort. Tous les centres de recherche et toutes les disciplines ont fourni leur éclairage. De l’organisation du système de santé à la mise en perspective historique en passant par l’action publique et les dynamiques socio-économiques, je ne vois pas un seul recoin de notre expertise qui n’ait été mobilisé dans cette première réponse.

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Le choix de Sophie: santé publique vs économie dans la pandémie par Patrick Allard

« We can’t have the cure be worse than the problem. » « On ne peut pas laisser le remède être pire que le problème. »

Extrait : La déclaration de Donald Trump le 23 mars dernier exprime, par-delà le malaise créé par les propos du président américain, le dilemme qui s’impose à tous les dirigeants des États confrontés à l’épidémie de covid19 et à la crainte d’en faire trop ou pas assez, ou encore pendant trop longtemps, pour préserver la santé de leurs concitoyens au risque de paralyser l’économie de leur pays.
Aussi déplaisant qu’il soit moralement, les décideurs ne peuvent échapper à l’arbitrage entre risque de pertes humaines et coût économique dans leurs décisions sur la nature, la rigueur et la durée des mesures de confinement de la population, un choix de Sophie imposé au Prince…


Le coût économique de l’épidémie et des mesures de confinement promet d’être sévère. Un calcul de coin de table montre qu’une perte atteignant 8 à 10% du Pib est réaliste dès lors que l’économie est mise à l’arrêt pour 2 ou 3 mois et que sa remise en marche sera graduelle après la levée du confinement. Les modèles économétriques plus complexes utilisés par les prévisionnistes privés et publics livrent des résultats voisins. Mais les modèles habituellement utilisés pour la prévision économique n’apportent qu’un éclairage insuffisant et partiel pour apprécier l’optimalité du dosage et du calendrier des mesures. Ils ne permettent pas de mettre en perspective les mesures en les comparant à un scenario de déroulement hypothétique en l’absence de mesures.

Un modèle couplant un modèle épidémiologique et un modèle macroéconomique est nécessaire à cet effet. Un tel modèle récemment publié par une équipe d’économistes américains et allemand (Martin Eichenbaum, Sergio Rebelo et Mathias Trabandt, “The Macroeconomics of Epidemics”, NBER Working Paper, n°26882, mars 2020) apporte un éclairage sur les termes de l’arbitrage inévitable entre la gravité de la récession causée par les mesures de confinement et la gravité des conséquences de cette épidémie sur la santé et la mortalité au sein de la population.

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Les analystes font souvent abstraction de la notion de causes a effets c'est a dire le manque d'anticipation , or quand on sait que le budget de defense des Etats Unis pour 2020 est de 1400 milliards de dollars * il y a quand meme un gros probleme si un Pangolin chinois qui ne sait ni lire ni ecrire et qui doit peser tout mouille de chaud dans les 35 kg et qui doit valoir 200 $ arrive a decimer des equipages et immobiliser des escadres de l' .U.S. Navy et autres nations , il est necessaire de revoir ses copies dans ces conditions ! :hum:

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* Et l'indigence complete niveau masques et autres materiels pour les services sanitaires et la population c'est qu'il y a un gros souci ! C'est valable egalement pour nos contrees occidentales ... Je n'ose meme imaginer un probleme NBC , accidentel ou voulu !
 
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Le triangle d'impossibilité du covid-19 par Hubert Kempf
2 mai 2020

Comment faire face à la pandémie du covid-19 ? Quelles politiques adopter ?

Extrait : Si la première constatation à faire à propos de cette pandémie est qu'elle touche tous les États de la planète, la seconde est que les réponses apportées par ces États sont d'une extrême diversité, tout autant que les résultats.

La raison de cette diversité réside dans un « triangle d'impossibilité ». L'expression, bien connue des économistes, renvoie originellement à la difficulté de gérer un pays en régime de change fixe, ou encore de résoudre non pas un dilemme mais un trilemme. Elle semble adéquate pour penser la difficulté de la gestion publique de la pandémie car cette difficulté peut également se penser comme un trilemme. Les termes de ce trilemme (graphiquement, les sommets du triangle d'impossibilité) sont les suivants.

1/ Maîtriser optimalement la pandémie sur le plan sanitaire. Cette maîtrise se mesure synthétiquement par le nombre de décès dus au virus pendant sa période d'activité qu'il s'agit de minimiser.

2/ Assurer le statu quo ante en matière économique. Ou encore faire que la pandémie n'ait aucune incidence économique.

3/ Garantir le plus grand respect des libertés publiques et individuelles.


Il apparaît impossible d'atteindre ces trois objectifs simultanément. Deux peuvent être atteints (logiquement ; pratiquement, c’est bien sûr une autre affaire) aux dépens du troisième.
• Il est possible par une restriction absolue des libertés publiques et individuelles que les pouvoirs publics dictent leurs comportements aux citoyens d'assurer la rupture complète des chaînes de transmission du virus, tout en maintenant intact le processus de production et de distribution des biens et services.
• Si les pouvoirs publics sacrifient l'objectif économique et sont prêts à assumer un coût probablement vertigineux en matière de production perdue, ils peuvent là encore gérer optimalement la pandémie en limitant au minimum les libertés de mouvement des individus, en particulier par la suppression des contacts interpersonnels sur les lieux de travail.
• Enfin, si les pouvoirs publics décident de sacrifier la maîtrise de la pandémie, ils peuvent laisser les individus et les entreprises fonctionner comme avant, sans restreindre leurs libertés de mouvement et laisser ainsi libre cours à la transmission interpersonnelle du virus. Il s'agit là de la stratégie d'immunité collective.

Ce trilemme permet de comprendre les trois types de stratégie extrême qui encadrent les choix politiques des dirigeants des États de la planète.

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Gilles Boeuf : "Notre ennemi n'est pas le virus, mais nous-mêmes" par Gilles Boeuf professeur émérite à Sorbonne Université, également professeur consultant à AgroParisTech et chargé de cours à l'IEP Paris .

LE MONDE D’APRÈS. Nous ne sommes pas en guerre contre un virus, mais contre nos propres manquements, nos propres agissements, notre propre irresponsabilité à l'égard de la planète. Nous sommes, en définitive, notre propre ennemi, assène Gilles Boeuf. En cause, notre servilité coupable à des dogmes - croissance, consommation, propriété, hâte, et bien sûr profit - au noms desquels l'humanité, aveuglée par son arrogance anthropocentrique, se croit autorisée et même stimulée à surexploiter le capital "nature" jusqu'à son anéantissement. Et le biologiste et océanographe de convoquer le "sens" de ce que l'on initie, bâtit, diffuse, de ce que l'on crée, entreprend, partage. Et justement, que "faire de" cette nature ? Ou plutôt que "faire avec", que "faire dans le respect de" cette biodiversité aujourd'hui en péril ? Que "faire en s'inspirant de" cet émerveillement d'espèces vivantes, animales et végétales, à laquelle l'homme appartient - lui qui, dans son enivrement scientiste, croit la posséder ? Que "faire", en définitive, pour que la relation de l'homme à la nature, la considération de l'homme pour la nature, n'encage plus l'humanité dans le suicide qu'elle a programmé et interrompt la progression de l'écocide ? "Puisse un petit virus composé de seulement quinze gènes provoquer l'électrochoc collectif l'humanité a tant besoin...", espère l'ancien président du Muséum national d'histoire naturelle.

Extrait :
"En décembre 2019, une pneumonie d'origine alors inconnue touchant 59 personnes a été signalée dans la ville chinoise de Wuhan. Il a depuis été établi que cette maladie émergente, devenue depuis une pandémie, était due à un coronavirus (Sars-CoV-2). Elle a été dénommée Coronavirus disease 2019 ou Covid-19. Ce virus s'est répandu avec une vélocité effarante sur toute la planète. Ce qui n'aurait pas dû se produire s'est produit, ce qui n'aurait pas dû dépasser un petit impact très localisé s'est diffusé dans le monde entier en quelques semaines. Les investigations épidémiologiques conduites en Chine ont montré que les premiers malades avaient pour la plupart fréquenté un marché de Wuhan, où l'on vendait plusieurs espèces d'animaux domestiques et sauvages, souvent vivants. Le 2 janvier 2020, le marché de Wuhan fut immédiatement fermé sans que l'on ait établi (ni même recherché) l'origine de la contamination parmi les espèces animales vendues. L'historique exact de l'origine de l'épidémie n'est toutefois pas clairement établi.

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Extrait : On ne voit pas régner sur la terre une seule rivalité ; il en existe deux : l'une digne des éloges du sage, l'autre de son blâme ; toutes deux animées d'un esprit différent. L'une excite la guerre désastreuse et la discorde ; la cruelle ! nul homme ne la chérit, mais tous, d'après la volonté des dieux, sont contraints de l'honorer en la haïssant. L'autre, c'est la Nuit obscure qui l'enfanta la première, et le grand fils de Saturne, habitant au sommet des cieux, la plaça sur les racines mêmes de la terre pour qu'elle vécût parmi les humains et leur devînt utile. Elle pousse au travail le mortel le plus indolent. L'homme oisif, qui jette les yeux sur un homme riche, s'empresse à son tour de labourer, de planter, de gouverner avec ordre sa maison ; le voisin est jaloux du voisin qui tâche de s'enrichir. Cette rivalité est pour les mortels une source de biens. Ainsi le potier porte envie au potier, l'artisan à l'artisan, le mendiant au mendiant et le chanteur au chanteur.

 
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Quel(s) futur(s) nous reste-t-il? par Thomas Gauthier Professeur de prospective, EM Lyon
16 mai 2020
Depuis quelques années, les messages d’alerte adressés dès les années 1970 par la communauté scientifique au sujet du réchauffement climatique, de l’érosion de la biodiversité, ou encore de l’appauvrissement des sols suscitent des réactions de plus en plus vives. L’année passée, un mouvement militant générationnel a ainsi massivement condamné un modèle de développement économique qui précipiterait l’humanité vers une catastrophe environnementale et humaine sans précédent.

Extrait :
Aujourd’hui, le Covid-19 qui sévit partout dans le monde est qualifié par le microbiologiste Philippe Sansonetti, de “maladie de l’anthropocène”. Pour l’historien Jérôme Baschet, la pandémie est à comprendre comme un “fait total”, où “la réalité biologique du virus est devenue indissociable des conditions sociétales et systémiques de son existence et de sa diffusion”. Le XXIe siècle aurait ainsi “commencé en 2020, avec l’entrée en scène du Covid-19”.

La pandémie de coronavirus serait alors un premier tir global de sommation adressé à l’humanité toute entière par… elle-même, puisque l’anthropocène, terme et réalité géologique sujets à débats, renvoient à une nouvelle ère géologique dans laquelle l’Homme aurait acquis une telle influence sur la biosphère qu’il en serait devenu l’acteur central.
Le mouvement punk s’était rallié, à la fin des années 1970, derrière un slogan lapidaire, “no future” - “il n’y a pas d’avenir possible”. Aujourd’hui, tandis que la pandémie a condamné plus de la moitié de l’humanité au confinement, que les experts médicaux redoutent d’autres pics épidémiques à venir, que les économistes anticipent un après-crise particulièrement douloureux, que(s) futur(s) nous reste-t-il ?

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Quel(s) futur(s) nous reste-t-il? par Thomas Gauthier Professeur de prospective, EM Lyon
16 mai 2020
Depuis quelques années, les messages d’alerte adressés dès les années 1970 par la communauté scientifique au sujet du réchauffement climatique, de l’érosion de la biodiversité, ou encore de l’appauvrissement des sols suscitent des réactions de plus en plus vives. L’année passée, un mouvement militant générationnel a ainsi massivement condamné un modèle de développement économique qui précipiterait l’humanité vers une catastrophe environnementale et humaine sans précédent.

Extrait :
Aujourd’hui, le Covid-19 qui sévit partout dans le monde est qualifié par le microbiologiste Philippe Sansonetti, de “maladie de l’anthropocène”. Pour l’historien Jérôme Baschet, la pandémie est à comprendre comme un “fait total”, où “la réalité biologique du virus est devenue indissociable des conditions sociétales et systémiques de son existence et de sa diffusion”. Le XXIe siècle aurait ainsi “commencé en 2020, avec l’entrée en scène du Covid-19”.

La pandémie de coronavirus serait alors un premier tir global de sommation adressé à l’humanité toute entière par… elle-même, puisque l’anthropocène, terme et réalité géologique sujets à débats, renvoient à une nouvelle ère géologique dans laquelle l’Homme aurait acquis une telle influence sur la biosphère qu’il en serait devenu l’acteur central.
Le mouvement punk s’était rallié, à la fin des années 1970, derrière un slogan lapidaire, “no future” - “il n’y a pas d’avenir possible”. Aujourd’hui, tandis que la pandémie a condamné plus de la moitié de l’humanité au confinement, que les experts médicaux redoutent d’autres pics épidémiques à venir, que les économistes anticipent un après-crise particulièrement douloureux, que(s) futur(s) nous reste-t-il ?

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Je suis curieux de connaitre pourquoi vous avez mis cet article? que element est interessant?
 
Gilles Boeuf : "Notre ennemi n'est pas le virus, mais nous-mêmes" par Gilles Boeuf professeur émérite à Sorbonne Université, également professeur consultant à AgroParisTech et chargé de cours à l'IEP Paris .

LE MONDE D’APRÈS. Nous ne sommes pas en guerre contre un virus, mais contre nos propres manquements, nos propres agissements, notre propre irresponsabilité à l'égard de la planète. Nous sommes, en définitive, notre propre ennemi, assène Gilles Boeuf. En cause, notre servilité coupable à des dogmes - croissance, consommation, propriété, hâte, et bien sûr profit - au noms desquels l'humanité, aveuglée par son arrogance anthropocentrique, se croit autorisée et même stimulée à surexploiter le capital "nature" jusqu'à son anéantissement. Et le biologiste et océanographe de convoquer le "sens" de ce que l'on initie, bâtit, diffuse, de ce que l'on crée, entreprend, partage. Et justement, que "faire de" cette nature ? Ou plutôt que "faire avec", que "faire dans le respect de" cette biodiversité aujourd'hui en péril ? Que "faire en s'inspirant de" cet émerveillement d'espèces vivantes, animales et végétales, à laquelle l'homme appartient - lui qui, dans son enivrement scientiste, croit la posséder ? Que "faire", en définitive, pour que la relation de l'homme à la nature, la considération de l'homme pour la nature, n'encage plus l'humanité dans le suicide qu'elle a programmé et interrompt la progression de l'écocide ? "Puisse un petit virus composé de seulement quinze gènes provoquer l'électrochoc collectif l'humanité a tant besoin...", espère l'ancien président du Muséum national d'histoire naturelle.

Extrait :
"En décembre 2019, une pneumonie d'origine alors inconnue touchant 59 personnes a été signalée dans la ville chinoise de Wuhan. Il a depuis été établi que cette maladie émergente, devenue depuis une pandémie, était due à un coronavirus (Sars-CoV-2). Elle a été dénommée Coronavirus disease 2019 ou Covid-19. Ce virus s'est répandu avec une vélocité effarante sur toute la planète. Ce qui n'aurait pas dû se produire s'est produit, ce qui n'aurait pas dû dépasser un petit impact très localisé s'est diffusé dans le monde entier en quelques semaines. Les investigations épidémiologiques conduites en Chine ont montré que les premiers malades avaient pour la plupart fréquenté un marché de Wuhan, où l'on vendait plusieurs espèces d'animaux domestiques et sauvages, souvent vivants. Le 2 janvier 2020, le marché de Wuhan fut immédiatement fermé sans que l'on ait établi (ni même recherché) l'origine de la contamination parmi les espèces animales vendues. L'historique exact de l'origine de l'épidémie n'est toutefois pas clairement établi.

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Extrait : On ne voit pas régner sur la terre une seule rivalité ; il en existe deux : l'une digne des éloges du sage, l'autre de son blâme ; toutes deux animées d'un esprit différent. L'une excite la guerre désastreuse et la discorde ; la cruelle ! nul homme ne la chérit, mais tous, d'après la volonté des dieux, sont contraints de l'honorer en la haïssant. L'autre, c'est la Nuit obscure qui l'enfanta la première, et le grand fils de Saturne, habitant au sommet des cieux, la plaça sur les racines mêmes de la terre pour qu'elle vécût parmi les humains et leur devînt utile. Elle pousse au travail le mortel le plus indolent. L'homme oisif, qui jette les yeux sur un homme riche, s'empresse à son tour de labourer, de planter, de gouverner avec ordre sa maison ; le voisin est jaloux du voisin qui tâche de s'enrichir. Cette rivalité est pour les mortels une source de biens. Ainsi le potier porte envie au potier, l'artisan à l'artisan, le mendiant au mendiant et le chanteur au chanteur.


j'avais adoré son passage à l'agora des savoirs
 
La grande déprime des Français par Olivier Galland / Sociologue, directeur de recherche au CNRS & Gérard Grunberg / Directeur de recherche émérite au CNRS
23 mai 2020

Dans un article précédent (Olivier Galland 1er mai) nous remarquions que la confiance dans le gouvernement pour faire face à la crise du coronavirus s’érodait très rapidement et beaucoup plus fortement que dans les autres pays développés et que le poison de la défiance rendrait très difficile la sortie de crise en France. L’examen des résultats de plusieurs enquêtes, European Values Study (EVS[1]) et une récente enquête d’Opinion Way pour le CEVIPOF[2], permettent d’aller plus loin dans l’analyse de ce syndrome français.

Extrait :
Cette défiance est un trait structurel de la société française, un trait stable et déjà ancien. Il existe depuis plusieurs décennies au moins une exception française car ce niveau de défiance est, depuis le début des années 1980, beaucoup plus élevé dans notre pays que dans tous les pays européens de niveau économique comparable (à l’exception de l’Italie qui partage ce haut niveau de défiance)[3].
Dans la dernière enquête EVS en 2018 ce sont les trois quarts des Danois et des Norvégiens qui expriment leur confiance spontanée dans les autres, 70% des Finlandais, 65% des Suédois. Les Néerlandais et les Suisses ne sont pas loin, autour de 60% de confiants. Ensuite, le reste de l’Europe de l’ouest, à l’exclusion de la France et de la plupart des pays méditerranéens, se situe à des niveaux de confiance oscillant entre 40 et 50% (Autriche, Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne).
La France, quant à elle, comme l’Italie, le Portugal et la Grèce, est restée constamment, depuis 1981, à un niveau de confiance interpersonnelle inférieur à 30% (27% en 2018). Sur ce critère elle est plus proche des pays méditerranéens et des pays de l’est que du reste de l’Europe.

La trace des cultures religieuses

L’interprétation économique de ces écarts persistants est séduisante (les pays scandinaves, confiants, sont les plus riches, les pays de l’Est, défiants, sont les plus pauvres), mais elle souffre de trop d’exceptions, dont l’exception française, pour être entièrement convaincante. Des économistes comme Yann Algan et Pierre Cahuc ont privilégié une interprétation institutionnelle à travers les régimes d’Etat-Providence et la prégnance, en France, d’un modèle statutaire qui peut entretenir la jalousie sociale et la défiance dans la défense d’avantages corporatistes.
Une interprétation culturelle est également possible car on ne peut manquer d’être frappé par le fait que les pays à haut niveau de confiance sont tous des pays de culture protestante.
Ces pays ne se distinguent pas seulement par leur confiance plus marquée. Ce sont également des pays dans lesquels la participation à la vie sociale et politique est élevée (taux de participation associative, taux de syndicalisation, intérêt pour la politique), dans lesquels les habitants respectent plus qu’ailleurs des normes civiques conformes à l’intérêt général. Ce sont aussi des pays tolérants à l’égard des autres, ouverts sur l’extérieur et permissifs sur le plan des mœurs privées.

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Excellente analyse !
 
Coronavirus : pour qui sonne le glas de l’Etat-Providence ? Par Abdelmalek Alaoui Editorialiste
25/05/2020


Rupture(s). Dans un contexte où il était de plus en plus conspué pour sa supposée inefficacité, L’Etat-Providence est redevenu source de désirs et de fantasmes. Aux prises avec le virus, les peuples veulent à nouveau un Etat protecteur et enveloppant, qui garantisse d’abord « un héritage d’être avant un héritage d’avoir » pour paraphraser Raymond Aaron, ou un Etat qui permettrait enfin d’arriver à cette « société du donner et du recevoir » chère à Léopold Sedar Senghor. Paradoxalement, c’est au moment de son crépuscule programmé que l’Etat-Providence regagne en popularité. Est-il en capacité de se réinventer à la faveur de la crise du Coronavirus ?

Extrait :
L'Etat-Providence, sous ses formes les plus généreuses - comme en France ou en Europe du Nord- mais également sous ses formes les plus frugales - dans les pays anglo-saxons- est depuis l'avènement du XXIème siècle aux prises avec une triple pression qui le remet en cause dans son essence même. Il est donc paradoxal que les peuples et intellectuels le réclament avec force, après avoir méthodiquement assisté à son démantèlement progressif et à la baisse drastique de ses moyens et de ses marges de manœuvre.

Révolution technologique et paupérisation sociale

La première mise sous pression de l'Etat-Providence est économique et technologique. L'entrée dans la société de l'information au début de la décennie 90, la naissance des géants du net, la digitalisation, puis la quatrième révolution industrielle ont bouleversé les ordres établis, ainsi que la répartition des richesses.
Cette accélération brutale de l'histoire a entrainé les faillites d'entreprises que l'on pensait indéboulonnables -Kodak, Blockbuster, Enron, Arthur Anderson- et a accru les inégalités de manière incommensurable. Ainsi, en 2020, 30 milliardaires- des hommes pour la plupart- possèdent autant que 3,5 milliards d'humains. Or, plus de la moitié de ces personnes ont créé une entreprise technologique qui a moins de 30 ans. Dans l'intervalle, la prospérité engendrée par la révolution technologique a créé une bulle spéculative qui a éclaté en 2007 avec la crise des « subprimes ». La suite est connue, la planète est entrée dans une crise financière mondiale, qui n'a pu être freinée que par un afflux massif de création monétaire par les banques centrales, réduisant les taux d'intérêt des Etats à la portion congrue et ne laissant quasiment plus de marge de manœuvre en cas de survenance d'une autre crise. Comme c'est le cas aujourd'hui.

Suite de l'analyse >>>


Un peu d'utopie teintee de realisme ne fait pas de mal de temps en temps !
 
Dernière édition:
Les inégalités s’accroissent-elles vraiment ? par Guillaume Bazot Ancien élève de la Paris school of economics et de l’EHESS, Guillaume Bazot est maître de conférences en économie à l’Université Paris VIII. Spécialisé en histoire économique quantitative, il travaille principalement autour de problématiques macroéconomiques et financières.
2 juin 2020

Aucun élément statistique ne permet de constater une détérioration du pouvoir d’achat des Français ni une hausse des inégalités de revenu depuis 30 ans. La hausse de la taxation des hauts revenus, des dépenses sociales et celle, plus légère, des revenus alloués au travail l’expliquent en partie.

Extrait :
Alors que nous en sommes en pleine crise sanitaire et que de légitimes inquiétudes demeurent quant à la transition écologique, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer un « changement de modèle ». Le libéralisme de marché et la mondialisation y sont particulièrement décriés pour leurs conséquences inopportunes. Cette critique de la gouvernementalité libérale n’est pas nouvelle et demeure même omniprésente depuis la crise des « gilets jaunes ». Pour autant, que disent les faits économiques et sociaux ? Afin d’amorcer un débat de manière informée sur des bases objectives plutôt que sur le ressenti des individus, ce texte cherche à présenter une synthèse d’indicateurs clés faisant état de l’évolution de la situation française depuis 30 ans. Si on peut légitimement débattre des limites de ces indicateurs, autant d’abord les comprendre et les regarder sans biais.

Nous interrogerons en premier lieu l’évolution du niveau de vie, de la pauvreté, des inégalités, de la mobilité sociale ou encore de l’espérance de vie entre catégories socio-professionnelles. Nous élargirons ensuite notre analyse pour étudier les causes supposées des changements observées. Ainsi nous regarderons l’évolution de la part du travail et du capital dans la valeur ajoutée ainsi que celle des dépenses sociales. Dans chaque cas, nous ferons usage des données les plus générales et directes possibles eu égard à l’objet en question.

Mesurer l’évolution du niveau de vie

Puisqu’une partie conséquente du débat actuel porte sur le pouvoir d’achat de la classe moyenne, il nous semble important d’étudier l’évolution relative des niveaux de vie par catégories de revenu. Mais avant de commencer, une mise en garde est nécessaire. Premièrement, les données de revenu avancées ici peuvent être produites avant ou après impôts et transferts. La distinction est importante puisque les données avant impôts et transferts analysent les phénomènes avant tout effet correctif de l’État. Deuxièmement, les données peuvent être produites par adulte ou par ménage. Ainsi les données provenant du World Inequality Database qu’utilise notamment T. Piketty (2019) dans son dernier livre, sont par adulte, alors que les données de l’INSEE de l’OCDE ou d’Eurostat sont par ménage. Autrement dit, les données produites par le WID ne tiennent pas compte des effets de la taille du ménage sur le niveau de vie de ses membres. En revanche, celles-ci sont disponibles sur plus longue période, notamment lorsqu’il s’agit de décomposer les revenus par percentile. Troisièmement, toutes les données sont exprimées en volume, c’est-à-dire qu’elles tiennent compte de l’inflation pour mieux rendre compte du pouvoir d’achat des individus. L’encadré 1 discute de l’indice des prix plus en détail.

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Analyse complexe mais tres interessante
 
Vous avez dit souveraineté ? par Gilles Andréani Professeur affilié à Sciences Po
12 juin 2020
La pandémie de Covid a été l’occasion de voir s’épanouir le thème de la souveraineté dans le débat public : le constat s’est largement répandu, selon lequel la crise avait révélé une érosion dangereuse de la souveraineté de la France et de l’Europe dans de nombreux domaines, agricole, numérique, industriel, sanitaire, politique, et qu’il fallait à présent inverser le mouvement et reconquérir ce qui avait été perdu.

Extrait :
Cette vague de réflexions et de propositions, d’importance et de qualité très inégales, va du farfelu au plus sérieux : à la première extrémité de ce spectre, on peut mentionner cette prise de position d’un collectif qui comprend Cécile Duflot et la Confédération paysanne, intitulé : « La souveraineté alimentaire sera paysanne ou ne sera pas », et qui préconise entre autre : « des paysan·ne·s protégé·e·s et reconnu·e·s avec l’arrêt immédiat de tous les accords de libre-échange » ; à l’autre extrémité, les déclarations réitérées d’Emmanuel Macron depuis le début de la crise en faveur d’une souveraineté retrouvée de la France et de l’Europe. Ainsi dit-il, le 12 mars : « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond, à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France et une Europe souveraine. » Et le 30 : « le jour d'après ne ressemblera pas au jour d'avant. Nous devons rebâtir notre souveraineté nationale et européenne. »

Ces idées ont eu leur impact ; leur retombée dans le réel la plus notable a été la déclaration franco-allemande du 18 mai 2020 proposant un emprunt de l’UE de 500 Milliards d’euros à l’appui de la relance des économies européennes. La déclaration commence par l’annonce, moins remarquée, de l’intention des deux pays de « relancer notre souveraineté sanitaire stratégique par une « stratégie santé » de l’UE », dont elle donne les grandes lignes. Plusieurs ministres ont également placé leurs initiatives de crise sous le signe de la souveraineté : il en va ainsi de Bruno Le Maire qui a déclaré le 21 mai au Figaro : « notre objectif c’est la souveraineté économique de la France », tandis que Didier Guillaume affirmait en avril : « la souveraineté économique de la France et de l’Europe passera forcément par la souveraineté alimentaire », ce dernier objectif faisant l’objet d’une mobilisation depuis plusieurs mois des principales organisations agricoles.

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Nos gouvernements avancent sans boussoles ! j'ajoute donc cette courte analyse que je trouve connexe sous certains aspects ! :)

La philosophie du rien par ohmama
1er octobre 2014

Extrait : De quelles utilités pourraient nous être les salmigondis de l'idéalisme Platonicien ou de la mystique néoplatonicienne sinon à troubler la complaisance générale ? Le progrès c'est maintenant la jouissance immédiate, l'avenir est devenu nébuleux, l'homme moyen jaloux de son confort est comme retiré de la réalité, il vit au son de cloche apaisant des think tanks qui prévoient une croissance x en 2020. Pour l'humanité postmoderne le progrès, c'est le téléviseur grand public obtenu à crédit pour visionner des programmes qui l'entretiendront de l'accomplissement du règne humain dans les festivités consuméristes, dans les saturnales du bien-être et de l'accumulation. Le dernier smartphone de chez Apple qu'aura acquis (probablement en crédit-bail) l'homme postmoderne le distingueront peu ou prou du reste de ces congénères et le placeront au cœur de « l'avancée » de la civilisation.

La Fin de l'histoire, c'est finalement la fin de l'espérance, l'homme moyen n'est plus qu'une coquille vide, un tonneau des danaïdes qui s'emplit et s'évide par le loisir. Nos âmes déboussolées sont amenées à croire en une fatalité structurelle du genre humain qui le pousse à la vilenie et à l'égoïsme. Comme dirait Thatcher à travers sa doctrine, « There is no alternative ». L'histoire officielle veut que les civilisations depuis l'Inde antique se succédassent et trébuchassent les unes derrière les autres jusqu'à obtenir le paroxysme triomphant de l'interdépendance globale , de l'uniformisation de la pensée et du Burger King (pour changer du McDo). Désormais les aspirations et les ambitions prennent invariablement la direction du lucre, la course au rien entropique se retrouve jusque dans les querelles byzantines de monsieur tout le monde. L'on saupoudre tout ça de religiosité pour profanes ou de conflits ethniques ou culturels de bistrots pour se rapetasser une vertu qui n'existe plus.

 
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Le stoïcisme, une philosophie par temps de crise (1/5) : exercer son discernement Par Flora Bernard
15/06/2020


CHRONIQUE. La philosophie stoïcienne, née au IVe siècle avant JC en Grèce, exerça une influence importante jusqu'au IIIe siècle après JC. Elle fut d'un grand secours à l'Empereur Marc Aurèle et inspira de nombreux philosophes par la suite, de Montaigne à Spinoza. Comme ses enseignements sont particulièrement précieux en temps de crise, comme celle que nous traversons en raison de la pandémie, nous proposons dans cette série d'en explorer cinq pour déconstruire les idées reçues.

Aujourd'hui, enseignement n°1 : exercer notre discernement pour y voir clair.


Extrait :
Mi-mars 2020, le choc fut brutal : en quelques jours, le gouvernement français avait annoncé la fermeture de toutes les écoles, puis de tous les restaurants et lieux de rassemblement sociaux et culturels, ainsi que le confinement strict de la population française. La plupart des entreprises ont mis en place le télétravail dans l'urgence, d'autres ont eu recours au chômage partiel, des pans entiers de notre économie ont été mis à l'arrêt. Les vécus personnels ont oscillé entre débordement et désœuvrement total, entre épuisement, crise de sens et renaissance. Le confinement nous a questionné (entre autres) sur l'utilité de notre travail, notre rôle de parent, notre liberté, l'assouvissement de nos désirs dans une société qui les prône sans limites. Si la philosophie doit servir à quelque chose, c'est bien d'éclairer la vie et, par temps de crise, nous permettre de prendre de la distance pour mieux vivre nos épreuves.

L'école de philosophie stoïcienne, elle-même née d'une crise, mérite d'être redécouverte. Le riche marchand Zénon de Kition venait de faire naufrage, aux alentours de 300 av. J.-C et se réfugia à Athènes. Ayant tout perdu, il se tourna vers la philosophie et prit conscience que ce ne sont pas tant les circonstances elles-mêmes qui nous rendent malheureux, mais la manière dont nous nous les représentons et, donc, dont nous les vivons. Tout notre malheur vient de cette confusion entre les choses (les situations...) elles-mêmes, qui sont neutres, et le jugement que nous portons sur ces choses. Zénon créa sa propre école, sous un Portique à Athènes (d'où le nom de Stoïcisme, Stoa signifiant Portique en grec). Dans ces cinq chroniques, ce sont trois illustres représentants de l'école stoïcienne qui nous serviront de guides : l'empereur Marc Aurèle, le riche homme politique Sénèque, conseiller de Néron, et l'esclave et maître à penser Epictète.

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Le stoïcisme, une philosophie par temps de crise (2/5) : gagner en pouvoir d'action Par Flora Bernard
16/06/2020

Aujourd'hui, enseignement n°2 : gagner en pouvoir d'action.

Extrait :
Mars... avril... le confinement s'installe. Nous voici donc chacun chez nous, derrière nos écrans, apprenant à nous servir des outils à notre disposition pour organiser et réaliser notre travail. Certains sont désœuvrés, hésitant encore entre angoisse et hédonisme, d'autres s'affairent en se demandant si leur travail a vraiment du sens, d'autres encore sont au cœur d'une véritable mission de société. Dans l'incertitude de la durée du confinement, la question de l'action se pose, son sens, son efficacité, les moyens que nous déployons pour qu'elle ait des chances d'aboutir aux résultats escomptés. L'action est l'un des sujets sur lesquels il existe le plus de malentendus quand on pense au stoïcisme. Le stoïcien serait ce sage passif et fataliste s'en remettant au destin sans s'acharner sur le sort (lui, c'est le stoïque, non le stoïcien !). Mais la philosophie stoïcienne est avant tout une philosophie de l'action.

Comme le dit Sénèque, « la Nature nous a fait naître pour ces deux fins : la contemplation des réalités et l'action »[1], l'une ne pouvant aller sans l'autre. Mais notre culture s'est focalisée essentiellement sur l'une (l'action), au détriment de l'autre (la contemplation), qu'elle a notamment laissée aux philosophes. Ce confinement a été pour nombre d'entre nous une occasion de réarticuler contemplation (réflexion, retour à soi...) et action. Pour d'autres, ce rééquilibrage commence maintenant avec le déconfinement, avec le risque de se jeter à nouveau dans l'action à corps perdu. Mais comme nous l'avons vu hier avec l'enseignement n°1, nos actions dépendent de nous - c'est ainsi que commence le Manuel d'Epictète. Reste à savoir ce que nous voulons dire exactement par « action ». Deux points doivent être considérés ici.

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Le stoïcisme, une philosophie par temps de crise (3/5) : maîtriser nos désirs par Flora Bernard
17/06/2020

Aujourd'hui, enseignement n°3 : maîtriser nos désirs.

Extrait : « Le Monde d'Après », voilà le grand sujet des dernières semaines. Un monde où les choses ne seraient plus comme avant, où tout irait mieux. La crise, c'est l'occasion de tout changer : la double étymologie latine et grecque nous indique bien qu'il y a dans la crisis un moment de sursaut puisque c'est le moment paroxystique d'une maladie et dans krisis un moment de décision, où tout se joue. De nombreux gouvernements ont initié des plans de relance massifs de leurs économies sinistrées et devront choisir où investir leur argent. Il se peut donc que certains Etats prennent la décision, par exemple, d'investir dans une économie décarbonnée. Il faut espérer qu'il y aura des plans massifs d'investissement dans des systèmes de santé plus équilibrés et plus équitables. Voilà pour certains des changements qui pourraient avoir lieu au niveau des Etats. Mais le tout peut-il changer sans transformation au niveau des parties ? Si la loi peut certes donner une nouvelle orientation, peut-elle aboutir sans que chacun d'entre nous ne change son propre regard ? C'est ce changement de regard auquel nous invite la philosophie stoïcienne.
« Bien des choses sont superflues : nous ne le comprenons qu'au moment où nous en sommes privés », écrivait Sénèque à son ami Lucilius. « Nous en usions parce que nous les avions et non parce qu'elles étaient nécessaires. Que d'objets nous achetons parce que d'autres les ont achetés, parce qu'on les voit chez tout le monde ou presque ! L'une des causes de nos malheurs est que nous vivons en prenant exemple sur autrui : nous ne nous réglons pas sur la raison, mais nous laissons détourner par les usages. »


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Extrait : Lucilius le Jeune, né et mort au I er siècle, est un gouverneur romain de Sicile durant le règne de Néron, ainsi qu'un ami et un correspondant de Sénèque, qui a écrit pour lui les Lettres à Lucilius.Il est possible qu'il soit l'auteur de l’Aetna.Si l'on suit bien cet auteur, Lucilius aurait été ami de Pline l'Ancien (cf. lettre 58).
 
Le stoïcisme, une philosophie par temps de crise (4/5) : gagner en liberté par Flora Bernard
17/06/2020
Aujourd'hui, enseignement n°4 : gagner en liberté.

Extrait : Le déconfinement annonce une « liberté retrouvée ». Mais que retrouvons-nous, au juste, et qu'avions-nous perdu ? Si la liberté consiste à faire ce que je veux quand je veux, certes, avec le confinement, nous avons perdu en liberté. Liberté de voir nos proches, liberté de célébrer à plusieurs, de voyager. Assignés à résidence, nous avons dû nous habituer à d'autres manières de travailler. Cette définition spontanée est néanmoins bien restrictive. Car « faire ce que je veux quand je veux » est toujours limité, confinement ou pas. Nous sommes déterminés par les capacités de notre corps (nous ne pouvons pas voler comme un oiseau...), et déterminés, comme Sigmund Freud l'a mis à jour, en grande partie par notre inconscient. Mais pour les philosophes stoïciens, il est un endroit où notre véritable liberté est totale : c'est notre capacité à nous auto-déterminer, mise en mouvement par le jugement que nous portons sur ce qui nous arrive. « J'ai pour ambition de faire de vous des êtres inaccessibles à tout empêchement, à toute contrainte et tout embarras ; libres, heureux, tranquilles », dira Epictète.

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Le stoïcisme, une philosophie par temps de crise (5/5) : faire bon usage de nos émotions par Flora Bernard
18/06/2020
Aujourd'hui, enseignement n°5 : faire bon usage de nos émotions.

Extrait :
Cette période de confinement a été le théâtre d'un panel d'émotions variées : la colère, la tristesse, l'anxiété, la joie aussi, ont toutes eu leur rôle à jouer, avec certaines tenant le rôle principal. L'éthique stoïcienne a toujours eu pour ambition de nous aider à ne pas subir nos émotions négatives, pour laisser la place aux émotions positives. Les émotions sont source de l'une des confusions fréquentes à l'endroit du stoïcisme : il ne s'agit pas tant de les supprimer que de ne pas se laisser envahir par elles. Prenons l'exemple de la colère.

Sénèque nous a laissé un magnifique essai sur cette émotion qui détruit tout sur son passage (De Ira, De la colère). Pour lui, elle est le fléau qui coûte le plus au genre humain, elle n'a aucun effet positif et nous empêche de réaliser ce qui fait de nous des êtres humains : l'usage de notre raison. « Elle oublie les liens les plus étroits, s'obstine, s'acharne dans ce qu'elle entreprend, elle n'écoute ni les conseils ni la raison, s'embrase pour des motifs futiles, incapable de discerner le juste et le vrai ; et ressemble à ces ruines qui se brisent sur ce qu'elles écrasent. » Sénèque n'est pas tendre. Mais à tout ravage, son remède (c'est d'ailleurs le sous-titre de l'essai : De Ira, ravages et remèdes).

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