Reflexions & ruptures sociologiques de notre epoque ...

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08 Mar 2009
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Rupture(s). La surconsommation d’information a créé un embouteillage dans nos cerveaux et entravé notre capacité à penser. Focalisés sur la montée des populismes, les crises sociales et politiques, les tensions entre grandes puissances et la « société du spectacle » qui a envahi nos écrans à grands renforts de bandeaux rouges ou de « swipes », nous perdons notre capacité à détecter, décoder, et prévenir un ensemble de mutations qui pourraient se transformer en autant de ruptures. Pourtant, il n’a jamais été aussi fondamental d’identifier l’archipel de l’apocalypse qui entoure le continent de nos certitudes.

Extrait :
Dans la formidable bataille des volontés qui oppose l'Amérique à la Chine- dont la bataille commerciale n'est qu'un aspect d'une guerre économique beaucoup plus large- une partie du monde semble comme oubliée par l'actualité : les émergents. A la mode il y a encore cinq ans, ceux que Goldman Sachs a nommé les BRICS - acronyme désignant Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud- ont quasiment disparu du débat public.

Bien entendu, il existe des raisons objectives au déclin des BRICS. Le Brésil a connu une succession de crises politiques majeures ainsi qu'une récession économique de premier plan, dont le résultat fut l'élection de Jair Bolsonaro en 2018. La Russie, sur fond de baisse du cours des matières premières, s'est mise en difficulté sur le front Syrien et en Ukraine avant de reprendre la main grâce à une stratégie d'influence florentine dont le maître du Kremlin est le seul à détenir les clés. En Inde, le « miracle économique » promis depuis des décennies, n'a pas eu lieu, et un repli identitaire s'est opéré conduisant à une radicalisation de la position du pays sur la délicate question du Cachemire. Quant à l'Afrique du sud, le pays a traversé la plus grave crise politique de son histoire depuis la fin de l'Apartheid, conduisant Jacob Zuma à la démission et le pays au bord de l'asphyxie économique. Seule la Chine a réussi à tirer son épingle du jeu, quittant de facto le club des BRICS pour rejoindre le club ultra-fermé des grandes puissances mondiales, générant ainsi des étincelles entre Pékin et Washington. En bref, la plupart des grands émergents se sont recroquevillés sur eux-mêmes, perdant leur statut de futur relais de la croissance mondiale.


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« Pourquoi ceux qui agissent ne pensent pas et pourquoi ceux qui pensent n'agissent pas ? »

Rupture(s). Une fois n’est pas coutume, le titre de cette chronique hebdomadaire est emprunté à un autre. Peut-être parce que personne à part le réalisateur Nicolas Pariser n’a su résumer de manière si saisissante un paradoxe aussi brûlant que l’antagonisme entre l’action et la réflexion. Le réalisateur d’« Alice et le Maire » s’est en effet attaqué à ce qui constitue l’une des questions les plus fondamentales de notre époque à l’heure où le monde de la pensée déserte la politique, et où l’action publique brûle d’agir sans réfléchir. En creux, c’est le portrait d’une société mondiale assoupie au bord d’un volcan qui se dessine.

Extrait :
Dix ans seulement séparent deux moments emblématiques de ce début de siècle. Presque une éternité au vu des évolutions rapides qui sont intervenues depuis 2009. Il y a une décennie donc, le comité Nobel attribuait son prix le plus prestigieux, celui de la paix, au premier président noir des États-Unis, Barack Obama. A l'époque, cet intellectuel hors norme portait en lui la promesse d'une paix rapide au Proche Orient et d'un nouvel ordre mondial basé sur une Pax Americana fondée sur la raison, la logique et l'empathie. En quelque sorte, ce prix lui était attribué par anticipation de ce qu'il aurait pu faire : mettre autour de la table Palestiniens et Israéliens pour négocier un accord juste, durable, et mutuellement acceptable, fermer le bagne de Guantanamo Bay, érigé au mépris du droit international, ou encore engager l'oncle Sam dans une politique en phase avec les défis de la transition climatique. Le reste de l'histoire est connu.

Bien que jouissant encore d'une cote de popularité très importante - notamment en dehors des États-Unis- Obama n'a rempli aucune de ces trois promesses. Il s'est montré au mieux hésitant lors de moments déterminants, ou au pire, s'est mis à la recherche du consensus le plus large, entravant la possibilité de faire émerger des solutions véritables. Au-delà de la démarche chaloupée, de la répartie hors norme et de la vitesse phénoménale de réflexion de ce surdoué, l'histoire retiendra surtout du double mandat de Barack Obama qu'il a cassé le plafond de verre de la race dans une Amérique que l'on disait incapable de combattre les inégalités. A l'époque, mis à part de rares exceptions, tout le monde avait applaudi la décision du comité Nobel. Il faut dire que l'histoire était trop belle : celle du jeune homme de père africain, élevé par sa mère, qui a gravi à la force de l'intellect toutes les marches de la Nomenklatura blanche américaine, jusqu'à devenir Président de la revue de droit d'Harvard, puis sénateur, et enfin, leader du monde libre. En bref, l'allure de l'intellectuel et la promesse de transformer des idées généreuses en action fut récompensée.


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Vous avez aimé les « infox » ? Vous allez adorer les « Deepfake »

Les images truquées générées par l'intelligence artificielle envahissent le monde numérique au point de ne plus pouvoir démêler le vrai du faux. Et ce n'est sans doute là que le début. Par Philippe Boyer, directeur de l’innovation à Covivio.

Extrait : La question de savoir si les technologies vont changer le monde est depuis longtemps dépassée. La réponse est évidemment oui. La vraie question est plutôt de savoir si nous piloterons ce changement ou si nous le subirons. En d'autres termes, si nous serons les bénéficiaires de cette révolution numérique ou si nous deviendrons ses esclaves .

A cette interrogation qui n'en finit pas d'opposer thuriféraires et collapsologues du numérique, l'un des enjeux porte sur la notion de vérité. Avec la percée de l'intelligence artificielle, le « vrai » se trouve battu en brèche dans des proportions jamais atteintes par le passé. Certes, on objectera qu'il y a toujours eu des faussaires qui ont réalisé de faux tableaux, de faux billets de banque ou encore de faux bijoux, mais avec le numérique, le faux a trouvé un allié de choix, en particulier avec les Deepfake.


 
Business du temps : "Le temps, c'est de l'argent"

REPLAY. Du Japon aux États-Unis, ce documentaire captivant montre comment le temps, devenu une marchandise, nous échappe de plus en plus. Il donne la parole à des spécialistes qui expliquent les liens entre histoire du temps, capitalisme et mondialisation, mais aussi à des anonymes qui luttent contre les "voleurs de temps".

Analyse :
Au début du XXe siècle, le monde se synchronise. Alors qu'avant la révolution industrielle chaque ville avait son propre rythme, l'Observatoire de Paris crée le "temps universel" en 1912. Grâce à six antennes qui descendent depuis le troisième étage de la tour Eiffel et se déploient sur toute la longueur du Champ-de-Mars, Paris donne le signal horaire international. Dans les usines, chaque minute est désormais comptée. Un siècle plus tard, aux États-Unis, des ouvriers de l'industrie du poulet se voient refuser le droit d'aller aux toilettes pour éviter toute perte de temps. Au Japon, pays du karoshi - la mort par surmenage -, la pression à "travailler plus" qu'exerce la société a des effets dramatiques : chaque année, plus de 10 000 Japonais succomberaient au burn out. Des initiatives émergent pour lutter contre ce mal du siècle. Alors qu'en France la loi Mathys permet depuis 2014 aux parents d'enfants gravement malades de bénéficier de dons de jours de repos, en Allemagne, une association de consommateurs se bat contre les nouveaux maîtres du temps que sont devenus les réseaux sociaux.

Les "voleurs de temps"

Résistances De la mise en place de fuseaux horaires pour éviter les accidents de train au XIXe siècle aux travaux de Frank B. Gilbreth pour augmenter les cadences en usine, cette enquête passionnante, nourrie d'étonnantes archives historiques, raconte la manière dont le temps est devenu une valeur marchande. Aux quatre coins du monde, le documentaire donne la parole à des spécialistes, qui expliquent les liens entre histoire du temps, capitalisme et mondialisation, mais aussi à des anonymes qui luttent contre les "voleurs de temps".

Lillian et Frank Gilbreth Moins connus que Frederick Taylor - l'inventeur du taylorisme -, le couple d'ingénieurs Lillian et Frank Gilbreth a mis au point dans les années 1920 une méthode révolutionnaire pour améliorer le rendement des ouvriers. Avec une caméra, ils ont enregistré leurs actions, chronométrées par une horloge, comme le montre l'une des étonnantes archives filmées de ce passionnant documentaire. Une fois ces séquences analysées, les pionniers américains des "time and motion studies" - soucieux d'éliminer les gaspillages, les dangers et la pénibilité dans les usines - ont proposé un enchaînement amélioré. Après la guerre, alors que l'efficacité devient le mot d'ordre, les techniques des Gilbreth sont rapidement appliquées dans de nombreux domaines, comme la restauration rapide.

Le temps, c'est de l'argent Documentaire de Cosima Dannoritzer (France/Espagne, 2016, 1h25mn)


 
Les écrans rendent-ils crétins ? "Non, c'est l'usage que l'on en fait"

Séverine Erhel, maîtres de conférences en psychologie cognitive à Rennes 2 bat en brèche les discours alarmistes sur l'usage des écrans pour les enfants.

Extrait : Les écrans sont-ils dangereux pour la santé ? Leur multiplication dans notre quotidien engendre-t-elle "une décérébration à grande échelle", comme l'affirme le neuroscientifique Michel Desmurget, directeur d'une équipe de recherche sur la plasticité cérébrale au CNRS, dans son ouvrage La Fabrique du crétin digital, les dangers des écrans pour nos enfants (ed. Seuil) ? Depuis des années, le 'danger des écrans" est un sujet qui passionne aussi bien le monde scientifique que les médias et le grand public quitte à, parfois, glisser vers un "catastrophisme" facile que regrette Séverine Erhel, maître de conférences en psychologie cognitive et ergonomie à l'Université Rennes 2. Selon elle, la règle est simple : le problème ne vient pas de l'écran, mais de l'usage que l'on en fait. Entretien.

Les écrans sont-ils dangereux ?

Qu'est-ce qu'un écran ? Derrière ce mot 'écran', se cache de nombreuses interfaces et usages : il s'agit de votre télé, de votre smartphone, des réseaux sociaux, des jeux vidéo ou des logiciels éducatifs. Ce sujet est tellement vaste et balaie tellement de problématiques qu'il est difficile de répondre. Pour résumer, on peut dire que le problème n'est pas les écrans en eux-mêmes, ni le temps passé devant : ce sont les activités que l'on pratique devant ces derniers et, parfois, le manque d'accompagnement des parents.


 
Charlotte Gainsbourg: «Mon père serait censuré aujourd’hui»

Dans un portrait que lui consacre The Guardian, la chanteuse et actrice déplore l’emprise du «politiquement correct» et estime que Serge Gainsbourg, provocateur devant l’éternel, en aurait bien pâti.

Extrait :
«Tout aujourd’hui est si politiquement correct, si ennuyeux, si prévisible. Mon père serait censuré à chacun de ses choix». Dans un long portrait que lui consacre le quotidien The Guardian ce week-end, Charlotte Gainsbourg se livre à cœur ouvert: son illustre père Serge Gainsbourg, sa collaboration avec un autre provocateur né Lars Van Trier, sa nouvelle vie à New York...

Pour la comédienne et chanteuse, la bien pensance actuelle; la capacité des réseaux sociaux à engendrer les polémiques auraient rendu son père misérable: «Il se souciait beaucoup de ce que les gens ressentaient et pensaient lorsqu’on le critiquait». Et d’avouer: «tellement de choses l’ont beaucoup blessé. Notamment les attaques antisémites qui l’ont visé». Durant la Seconde Guerre mondiale où il a dû porter l’étoile jaune, mais aussi, bien après, en 1979 quand sa réinterprétation reggae de la Marseillaise lui a valu d’être accusé de vouloir faire de l’argent avec l’hymne national.


 
il y aurait aussi toute une brochette d'humoristes.On ne peut que le déplorer :cry:
 
Que peut-on faire du compte Facebook d’un proche après sa mort?

Selon une étude de l’université d’Oxford, il y aura plus de morts que de vivants sur le réseau social d’ici 50 ans.

Extrait :
En 2018, des chercheurs britanniques se sont penchés sur une question que personne n’a envie de se poser: que deviennent les profils Facebook des personnes décédées? Une question pour le moins importante lorsque l’on sait que le nombre des morts pourrait surpasser celui des vivants sur ce réseau social avant 2070.

Ces statistiques soulèvent des difficultés juridiques importantes, notamment en ce qui concerne la propriété du profil du défunt, ainsi que la manière dont celui-ci sera géré par les amis ou la famille par la suite. «Sur le plan sociétal, nous commençons à peine à poser ces questions et nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir» estime Carl Öhman, doctorant travaillant sur le sujet. «La gestion de nos restes numériques affectera tous ceux qui utilisent les réseaux, car nous allons tous y passer» poursuit-il, appelant la société à «dépasser ses craintes» pour mieux faire face à la mort numérique.

 
En bref, la plupart des grands émergents se sont recroquevillés sur eux-mêmes, perdant leur statut de futur relais de la croissance mondiale.
Ca s'appele le "principe de Peter". Il arrive toujours un moment ou on atteint son plafond de competences. Et la Chine n'echappe pas a ce phenomene. S'il y a bien un pays qui se recroqueville c'est bien la Chine.
 
Ca s'appele le "principe de Peter". Il arrive toujours un moment ou on atteint son plafond de competences. Et la Chine n'echappe pas a ce phenomene. S'il y a bien un pays qui se recroqueville c'est bien la Chine.
Oui et de plus ce sont les plus silencieuses qui incommodent le plus l'entourage , ce plafond arrive tres souvent apres avoir mange de flageolets ! ;)
Je souligne, que ce n'est guere poli en societe ! De plus quand ca arrive il est plus prudent de se recroqueviller sur l'endroit approprie , les chinois ont bien compris le principe , et n'echappent pas a ce phenomene ! Ton analyse est tout a fait adaptee au sujet " Ruptures sociologiques " !

Plus serieusement il convient d'expliquer en quelques mots en quoi consiste le " principe de Peter " tout le monde ne le sait pas !

A priori, Laurence Peter (1920-1990), natif de Vancouver, diplômé en sciences de l’éducation de l’université de Washington puis directeur d’un institut « d’enseignement prescriptif » en Californie, n’avait rien d’un maître à penser. Mais la publication, avec Raymond Hull, d’un livre en 1968 lui apporta une renommée mondiale. Son apport essentiel est un principe qui tient en une ligne : « Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence (1). » Ce n’est pas une simple satire des organisations de travail et des administrations. C’est le produit d’une démonstration s’appuyant sur deux prémisses, un peu arbitraires mais de bon sens, posées par les auteurs. Les voici, en substance. 1) un employé compétent sera promu à un niveau hiérarchique supérieur ; 2) un employé incompétent ne sera pas promu à un niveau supérieur, ni rétrogradé à son ancien poste. Conséquence individuelle : un employé qui conserve sa place est forcément un peu incompétent, sinon il progresserait.

Conséquence générale : à terme, tous les postes d’une organisation finissent par être occupés par des gens plus ou moins incompétents. Malgré cette conclusion provocatrice et paradoxale, le « principe de Peter » a été pris au sérieux par de nombreux chercheurs, qui se sont employés à en tester la solidité. Certains, par exemple, ont mis le doigt sur une faiblesse : ce principe suppose que les compétences qui valent la promotion d’un employé sont différentes de celles exigées par une fonction plus élevée. Ce n’est pas évident. D’autres ont renchéri sur sa rigueur : en 2009, trois mathématiciens (2) sont parvenus à démontrer que le tirage au sort des postes dans une organisation hiérarchique serait plus efficace que la promotion à la compétence. Leur raisonnement, plus logique qu’empirique, leur a valu le prix Ig Nobel en 2010 (un prix parodique qui couronne les recherches les plus improbables). Quant à L. Peter, il a décliné en une dizaine de livres les nombreuses conséquences et extensions de son « principe », d’où il ressort qu’il existe bien des manières de dissimuler l'incompétence des plus hauts dirigeants, et que le vrai travail est accompli par des subalternes compétents qui, si tout va normalement, ne le resteront pas…

 
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FIRE, une réponse à la surexploitation du capital humain ?

OPINION. Connaissez-vous le mouvement FIRE, acronyme pour Financial Independance, Retire Early, soit en français : Indépendance financière, retraite anticipée? Il réhabilite l'épargne comme valeur et condition nécessaire de la liberté de choisir sa vie, en prenant en compte la notion de capital humain. Par Cécile Philippe, Institut économique Molinari.

Extrait :
Dans Lien retiré sur la méritocratie, Daniel Markovits, professeur de droit à la prestigieuse Yale Law School, décrit en détail le profil de ses élèves. Ces derniers - futurs membres de l'élite économique et gagnants du système méritocratique - sont épuisés. Le mérite fatiguerait et userait. Il supposerait de capturer et recapturer en permanence ses privilèges. Face à ce constat, le succès du mouvement FIRE aux Etats-Unis est compréhensible. En inculquant les valeurs de l'épargne, il offre une échappatoire à ceux qui rechignent à tout sacrifier au travail.

FIRE est l'acronyme pour Financial Independance, Retire Early, soit en français Indépendance financière, retraite anticipée. Le modèle est devenu particulièrement populaire chez les millennials dans les années 1990. Les millennials correspondent à la génération des personnes nées entre 1980 et 1995, celles qui ont donc aujourd'hui entre 24 ans et 39 ans.

Equilibre entre travail et intérêts personnels

Cette génération Y, en français, est décrite comme une cohorte recherchant un équilibre de vie entre le travail et les intérêts personnels, accordant une importance majeure à la santé mentale et physique et au final recherchant un meilleur équilibre de vie. C'est peut-être, comme le constate Markovits, parce que la génération Y est aussi « la première à avoir grandi au sein d'un système méritocratique mature » et d'ajouter que « même ceux qui se situent en haut de l'échelle sociale commencent à se révolter contre la formation intensive et compétitive qui leur permet d'y être. » Entre les aspirations et la réalité, le fossé est de taille. Ceux qui travaillent plus de 60 heures par semaine rapportent qu'ils préféreraient travailler bien moins car l'intensité de leur travail interfère avec leur capacité, par ailleurs, à maintenir leur foyer, à entretenir des relations familiales et amicales, etc.


 
"Pour Hayek, le libéralisme, ce n'est pas la protection de la rente privée"

GRAND ENTRETIEN. Dans son dernier ouvrage, "Hayek. Du cerveau à l'économie" (éd. Michalon), Thierry Aimar (*), spécialiste international de Friedrich Hayek (1899-1992), offre une introduction aux différentes facettes de l'oeuvre de l'économiste d'origine autrichienne, qui contraste avec l'image d'idéologue du néolibéralisme à laquelle Hayek est trop souvent réduit aujourd'hui.

LA TRIBUNE.- Friedrich Hayek, dites-vous, est aussi "critiqué qu'incompris", qu'entendez-vous par là ?

THIERRY AIMAR.-
Hayek est un auteur incompris parce que caricaturé. A gauche comme à droite, on présente sa pensée de façon simpliste et réductrice. A gauche, on a fait de Hayek un économiste primaire qui voudrait appliquer au monde contemporain des préceptes ultra-libéraux hérités du XIXe siècle totalement inadaptés aux enjeux actuels. A droite, il a été récupéré par les conservateurs, voire des réactionnaires qui dénaturent ses analyses pour défendre des corporations privées et préserver leurs rentes. Cette double déformation du message de Hayek a nui à l'appréhension objective de son œuvre qui ne saurait d'ailleurs se résumer à sa seule dimension économique.

LA TRIBUNE.- En effet, dès le premier chapitre, vous en faites un précurseur des neurosciences, ce qui est une approche pour le moins singulière

THIERRY AIMAR.-
Le libéralisme de Hayek s'appuie sur une conception extrêmement fouillée, subtile, complexe du cerveau humain. Il est difficile d'appréhender sa pensée économique sans la relier à un subtil ensemble de connaissances qui touchent à la philosophie, à la psychologie, aux sciences sociales en général. Et la meilleure façon de découvrir le travail de Hayek est de l'aborder chronologiquement. Or à l'origine de sa pensée, on trouve une réflexion sur le cerveau humain, en particulier sur les racines neuronales du subjectivisme. Hayek cherche à comprendre, et avec lui l'ensemble de l'école autrichienne dont il est le représentant le plus connu, le subjectivisme humain, ses contraintes, comme ses vertus. Toute sa théorie peut être interprétée comme un gigantesque effort pour coordonner au mieux les caractéristiques subjectives du cerveau humain à l'environnement social.

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Maurice Berger: «Non, la violence gratuite n’est pas due à la ghettoïsation»

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Les violences gratuites sont en augmentation constante en France. Pour le pédopsychiatre Maurice Berger, auteur d’un livre sur son expérience auprès des adolescents hyperviolents, elles sont le fruit de facteurs psychologiques et culturels.


Maurice Berger est pédopsychiatre, psychanaliste, ex-professeur associé de psychologie de l’enfant. Il travaille en Centre Éducatif Renforcé et enseigne à l’École Nationale de la Magistrature. Il vient de publier, Sur la violence gratuite en France. Adolescents, hyperviolents, témoignages et analyses (L’Artilleur, 2019)

FIGAROVOX.- En tant que pédopsychiatre dans un centre éducatif renforcé (CER), vous êtes confronté quotidiennement aux jeunes qui commettent des «violences gratuites». Un terme revient souvent dans le débat public, surtout récemment: jugez-vous que l’on assiste à un «ensauvagement» de la société?

Maurice BERGER.-
Toutes les deux minutes, une plainte est déposée à la police pour une violence gratuite et tout citoyen peut être confronté à une telle agression. Pour moi, l’ensauvagement, c’est lorsque la parole ne fait plus tiers, lorsqu’existe un différend même minime entre individus. Il y a quelques années, 85 % des mineurs traduits devant la justice changeaient de comportement après leur rencontre avec l’institution judiciaire, la parole du juge. Ils ne sont plus que 65% actuellement, et c’est d’eux dont je parle ici. L’impulsivité prime, l’autre n’est plus considéré que comme un objet sur lequel décharger la tension qu’on ressent dans l’immédiateté, comme une gêne à éliminer. Ceci soulève la question de savoir quelles sont conditions nécessaires pour qu’un individu se civilise.

Cette évolution n’est pas soudaine, j’en écrivais la certitude en 1992. L’attitude des gouvernements successifs a été de penser implicitement «après moi, le déluge», déluge qui est là maintenant ; et aussi de se plier à une idéologie qui définit comme «sécuritaire» et animée d’intentions électorales toute personne qui alarme sur ce sujet. En tant que médecin qui, depuis 40 ans, a le plus travaillé en France sur la prise en charge des enfants et adolescents violents, j’affirme que ces comportements extrêmes sont de plus en plus fréquents et de plus en plus graves. Un facteur parmi d’autres est l’impunité importante concernant la première atteinte aux personnes, que j’appelle le droit de tabassage. En réadaptation fonctionnelle où je travaille aussi, je reçois des adultes qui gardent à vie des séquelles physiques ou cérébrales définitives après une agression pour un supposé mauvais regard, et dont l’agresseur mineur n’est puni que d’un sursis car il n’était pas récidiviste. La vie ou la qualité de la vie restante de la victime est ainsi démonétisée. Or c’est simple, quand on n’est pas puni, on recommence .


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Pour Amnesty International, Google et Facebook menacent les droits humains

Dans un rapport, Amnesty International estiment que les deux géants ont créé une dangereuse «machine de surveillance omniprésente».

Joe Westby est chercheur à Amnesty International Technologie. Basé à Londres, il travaille sur toutes les problématiques en rapport avec le pouvoir des entreprises, notamment dans le numérique. Co auteur du rapport«les géants de la surveillance», il explique au Figaro le combat d’Amnesty International pour alerter sur le modèle économique de Google et Facebook, qui représente une «menace pour les droits humains». L’ONG dénonce une «machine de surveillance omniprésente» et préconise l’intervention des gouvernements pour une législation sur le droit à la vie privée sur internet.


Le Figaro : Qu’est-ce qui pousse aujourd’hui Amnesty International à publier un rapport sur Google et Facebook?

JW : Cela fait plusieurs mois que nous travaillons dessus. Aujourd’hui, il n’y a pas un mois qui passe sans un scandale autour d‘une collecte ou d’une fuite de données ne soit dévoilé. Ils concernent presque toujours Google et Facebook. Nous avons tous été marqués par le scandale de Cambridge Analytica et la fuite de données de millions de personnes. Il y a 20 ans, lorsque Google et Facebook ont été créés, leur modèle économique était totalement différent. Aujourd’hui, il repose sur la surveillance massive par la collecte des données. Le droit à la vie privé est totalement incompatible avec cette collecte massive et systémique des données personnelles. Et ce n’est pas l’Internet pour lequel les gens ont signé.

Le Figaro : De quelle manière, selon vous, Google et Facebook organisent cette surveillance?

JW :
Aujourd’hui, l’accès à internet est vital. Pour plus de quatre milliards de personnes, c’est un outil central pour communiquer, trouver un travail ou participer à la vie économique et sociale en général. Ce sont des droits humains. Facebook et Google fournissent tellement de services qu’on ne peut pas imaginer internet sans eux. Et pour jouir pleinement de nos droits humains, que nous le voulions ou non, nous dépendons de ces deux plateformes. Nous sommes piégés. Sur la toile, mais aussi dans le monde «réel», avec les objets connectés. Ces deux plateformes offrent des services à des milliards de personnes sans leur demander de contrepartie financière. Mais en réalité les citoyens payent avec leurs données personnelles. Ils payent en laissant Google et Facebook s’introduire dans leur intimité. Et ils n’ont pas le choix s’ils veulent utiliser le numérique.

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Rien de bien sensationnel et de nouveau , mais bon c'est Amnesty il ne faut pas leur en demander trop non plus , ca reste informatif ... :)
 
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Croire aux utopies

Il existe deux manières de penser l’avenir : la prospective et l’utopie. La plus sérieuse n’est pas nécessairement celle qu’on croit.


Extrait : « Je m’intéresse beaucoup à l’avenir, car c’est là que j’ai décidé de passer le restant de mes jours », confie Woody Allen. On ne peut qu’approuver cette sagesse. Chacun, à tout âge, devrait se sentir concerné par ses futurs possibles. Et prendre le temps de se poser régulièrement ces questions, à titre personnel et collectif : « Qu’est-il permis d’espérer ? Comment s’y préparer au mieux ? »

Pour penser l’avenir, une première méthode consiste à élaborer des scénarios possibles ou probables à partir des données actuelles : état des lieux d’un secteur, tendances lourdes, phénomènes d’émergence, zones de risques… C’est ainsi que procède la prospective, qui connaît aujourd’hui un regain d’intérêt, notamment dans les domaines politiques, sociaux, démographiques. Les prospectivistes tirent leur légitimité de leur méthodologie. Grâce à des outils de plus en plus précis, ils établissent une matrice de l’ensemble des facteurs variables et en tirent différents scénarios susceptibles d’orienter la stratégie. En France, l’organisme France Stratégie (anciennement Commissariat au plan), sous l’égide du Premier ministre, est le plus souvent convoqué dans ce domaine.

Ces prévisions présentent toutefois des limites, bien analysées par le politiste Ariel Colonomos dans La Politique des oracles (1). La première d’entre elles tient au fait que l’avenir est rarement déductible. L’histoire n’est pas linéaire : elle évolue par surprises, bifurcations et accidents. Cette dramaturgie peut balayer les scénarios savamment élaborés. Pour s’en tenir à la période récente, les prospectivistes n’ont prévu ni l’attentat du Word Trade Center, ni les révolutions arabes, ni encore la crise financière de 2008… La prospective se voit aussi également reprocher son caractère consensuel. En raison des relations commerciales ou politiques qui relient souvent experts et acteurs, elle s’en tient généralement au moyen terme, sans se risquer à prédire de grands changements politiques ou sociaux. Elle ne déplace pas les normes, ne bouscule pas les habitudes de pensée. Elle incite souvent à la prudence, rarement à l’espérance.

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J'avais déjà lu cet article. Les conclusions me semblent claires. Cet expert sera t-il écouté ?

Maurice Berger: «Non, la violence gratuite n’est pas due à la ghettoïsation»

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Les violences gratuites sont en augmentation constante en France. Pour le pédopsychiatre Maurice Berger, auteur d’un livre sur son expérience auprès des adolescents hyperviolents, elles sont le fruit de facteurs psychologiques et culturels.

Maurice Berger est pédopsychiatre, psychanaliste, ex-professeur associé de psychologie de l’enfant. Il travaille en Centre Éducatif Renforcé et enseigne à l’École Nationale de la Magistrature. Il vient de publier, Sur la violence gratuite en France. Adolescents, hyperviolents, témoignages et analyses (L’Artilleur, 2019)

FIGAROVOX.- En tant que pédopsychiatre dans un centre éducatif renforcé (CER), vous êtes confronté quotidiennement aux jeunes qui commettent des «violences gratuites». Un terme revient souvent dans le débat public, surtout récemment: jugez-vous que l’on assiste à un «ensauvagement» de la société?

Maurice BERGER.-
Toutes les deux minutes, une plainte est déposée à la police pour une violence gratuite et tout citoyen peut être confronté à une telle agression. Pour moi, l’ensauvagement, c’est lorsque la parole ne fait plus tiers, lorsqu’existe un différend même minime entre individus. Il y a quelques années, 85 % des mineurs traduits devant la justice changeaient de comportement après leur rencontre avec l’institution judiciaire, la parole du juge. Ils ne sont plus que 65% actuellement, et c’est d’eux dont je parle ici. L’impulsivité prime, l’autre n’est plus considéré que comme un objet sur lequel décharger la tension qu’on ressent dans l’immédiateté, comme une gêne à éliminer. Ceci soulève la question de savoir quelles sont conditions nécessaires pour qu’un individu se civilise.

Cette évolution n’est pas soudaine, j’en écrivais la certitude en 1992. L’attitude des gouvernements successifs a été de penser implicitement «après moi, le déluge», déluge qui est là maintenant ; et aussi de se plier à une idéologie qui définit comme «sécuritaire» et animée d’intentions électorales toute personne qui alarme sur ce sujet. En tant que médecin qui, depuis 40 ans, a le plus travaillé en France sur la prise en charge des enfants et adolescents violents, j’affirme que ces comportements extrêmes sont de plus en plus fréquents et de plus en plus graves. Un facteur parmi d’autres est l’impunité importante concernant la première atteinte aux personnes, que j’appelle le droit de tabassage. En réadaptation fonctionnelle où je travaille aussi, je reçois des adultes qui gardent à vie des séquelles physiques ou cérébrales définitives après une agression pour un supposé mauvais regard, et dont l’agresseur mineur n’est puni que d’un sursis car il n’était pas récidiviste. La vie ou la qualité de la vie restante de la victime est ainsi démonétisée. Or c’est simple, quand on n’est pas puni, on recommence .


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Le cinéma, miroir du monde

Du kinétoscope des débuts en passant par les films de propagande de Fritz Lang jusqu’aux blockbusters actuels, le cinéma invite depuis près de cent trente ans le monde à faire son autoportrait. Ses reflets et ses influences en font un authentique objet d’histoire.

Extrait : Le cinéma a une histoire. Qui prend naissance, techniquement, lorsque se sont enfin rejointes les deux voies de recherche explorées au cours du 19e siècle, la première visant à créer l’illusion du mouvement (kinema, en grec), la seconde à analyser ces mêmes mouvements. Les deux voies, philosophiquement et esthétiquement, ne forment qu’un seul et même désir : achever la conquête du réalisme, cette volonté profonde qui conduit les hommes, depuis au moins la Renaissance, à faire coïncider la représentation de la nature avec la nature elle-même. Le cinéma allait permettre cela : il serait la technique enregistrant, montant, projetant des fragments de réalité, et permettrait de faire de l’art avec cela.

Les inventions techniques

Les historiens du cinéma ne se sont cependant jamais mis d’accord sur la chronologie de cette invention. Pour les uns, ce sont les Américains Thomas Edison et William Dickson qui, en concevant le kinetograph en 1890, inventent de fait le cinéma en lui offrant sa première caméra. Mais parce qu’il ne crut pas en l’avenir commercial de la projection ni de la salle, T. Edison, pourtant homme d’affaires avisé, ne conçut pour son invention qu’une machine à sous, le kinétoscope, pour en visualiser, à travers un oculaire, les courts films de vingt mètres. La « seconde » invention est celle des frères Louis et Auguste Lumière, techniciens lyonnais, qui mirent au point le cinématographe en concevant un mécanisme original d’avance intermittente de la pellicule, la griffe, ce qui permit à leur appareil d’être, tout à la fois et successivement, une caméra, une tireuse, puis un projecteur. Appareil fabriqué fin 1894, présenté dans diverses réunions scientifiques au printemps 1895, enregistrant ses premières « vues » à partir de mars.

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Mystère de l'amour

Qu’est-ce que l’amour ? Peut-on seulement le définir sans tomber dans l’écueil du lyrisme ou des généralités ? C’est le défi auquel s’attelle le philosophe Francis Wolff pour qui l’amour oscille entre trois pôles – amitié, désir et passion – qui le nourrissent et l’organisent.

Extrait : Le monde occidental l’a décrit courtois, galant, libertin, romantique, et plus individualiste à l’ère de la modernité. Mais il n’empêche : sur tous les continents, dans toutes les cultures, depuis la nuit des temps, l’amour est un grand récit qui constitue la trame existentielle de l’humanité. 
La littérature, les chansons, la poésie, le cinéma, l’art en général puisent la majeure partie de leur inspiration dans les histoires d’amour. Heureuses ou malheureuses, tant le mal d’amour peut tourmenter les humains.
Platon fait dire à Socrate qu’il ne savait rien sauf sur « les sujets qui relèvent d’Éros ». Du Banquet à Belle du Seigneur, de Tristan et Iseult à Roméo et Juliette, la culture occidentale est façonnée par les histoires d’amour. L’expérience du choc amoureux (remarquablement décrite par Francesco Alberoni) est un état de grâce qui nous transporte et nous propulse par-delà nos repères.

Pourtant, la tradition philosophique occidentale a longtemps regardé avec circonspection cette passion étrange qui peut aussi amener à mourir de chagrin. Beaucoup ont vu dans les propos sur l’amour un romantisme de pacotille, un sentimentalisme naïf qui ne vaudrait pas deux heures de peine. D’autres en ont parlé comme un sentiment mystérieux qui le maintenait hors du champ philosophique.
Depuis leur naissance, les sciences humaines cherchent à en établir les lois, à en décrypter les fonctionnements et les déterminismes, ou à en retracer l’histoire… La psychanalyse a avancé, depuis Sigmund Freud et Jacques Lacan, ses propres analyses de la passion et du désir. La psychologie évolutionniste s’est penchée sur les fonctions de la pulsion sexuelle et de l’« amour romantique », vues comme des émotions liées à la chimie de notre cerveau, alors que tout un courant de la psychologie positive montre le rôle des relations d’amour et d’amitié sur le bien-être des individus.
Les philosophes contemporains, de leur côté, ont réinvesti une tradition philosophique ancienne, celle de la recherche de l’art de vivre. Comment parvenir à la « bonne vie » dans un monde qui se transforme depuis les grandes ruptures initiées par la contre-culture de la seconde moitié du 20e siècle ? La recherche du bonheur et de la sagesse, sujet central des philosophies de l’Antiquité, revient sur le devant de la scène et ne manque pas de faire une place à l’amour (1).

« L’amour est redevenu un sujet pour les philosophes », déclare Francis Wolff qui note qu’il est « encore possible aux philosophes d’ajouter quelques considérations sur le sujet. »

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