Pourquoi la Chine doit réévaluer sa monnaie [LE MONDE]

Orang Malang

Alpha & Oméga
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23 Oct 2005
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常熟,江苏
La Chine est peut-être décidée à réévaluer sa monnaie, le yuan. Ce serait une bonne nouvelle pour tout le monde - y compris les Chinois. C'est une évolution qui est souhaitée en Asie, en Europe, aux Etats-Unis et dans les autres grandes économies émergentes. C'est une évolution qui ferait du bien à l'économie mondiale.

Le sujet a été abordé lundi 12 avril à Washington lors de l'entretien que Barack Obama a accordé à son homologue chinois, Hu Jintao. Le seul fait que le taux de change du yuan ait été inscrit au menu de la rencontre est une indication. Il y a quelques semaines encore, quand on osait les interroger sur la parité du yuan avec les autres devises, les dirigeants chinois n'avaient qu'une réponse. En trois parties : notre monnaie n'est pas sous-évaluée ; toute pression pour nous amener à la réévaluer est du protectionnisme ; le protectionnisme est une agression contre la Chine.

La pression venait d'abord des Etats-Unis. Mais elle émanait aussi, plus discrètement, de l'Inde, du Brésil, de l'Afrique du Sud et d'autres encore. Motif : la sous-évaluation du yuan est une subvention déguisée aux exportateurs chinois. Déloyale, elle leur donne un avantage de compétitivité. Elle a été accentuée par la décision de Pékin de lier sa monnaie au dollar à la mi-2008, quand la valeur du billet vert s'est mise à décliner. L'Union européenne est aussi pénalisée que les autres zones économiques, mais - courageusement - n'a pas osé le dire !

La Chine donne aujourd'hui des signes d'évolution. Tour à tour, les responsables de la Banque centrale puis ceux de la Commission nationale du développement et des réformes ont fait entendre un autre message : Pékin pourrait de nouveau laisser le yuan s'apprécier. Les Etats-Unis en ont pris acte. Ils ont - provisoirement - renoncé à accuser publiquement la Chine de manipuler son taux de change.

Les experts estiment que le yuan pourrait s'apprécier de 10 à 25 % s'il était convertible. Ce changement de parité irait dans le bon sens. Il corrigerait le déséquilibre majeur de l'économie mondiale : un exportateur géant, la Chine, thésaurise des excédents géants, cependant que s'accumulent les déficits chez les autres.

Les Chinois y trouveraient leur compte. A court terme, une réévaluation du yuan éloignerait les risques d'inflation dans une économie menacée de surchauffe. A plus long terme, elle placerait l'économie chinoise sur la voie non pas d'un Grand Bond en avant, mais du Grand Rééquilibrage dont elle a besoin.

Une monnaie qui se revalorise redonne du pouvoir d'achat aux ménages. Elle renforce ainsi la consommation intérieure. Elle pourra aider à amorcer le passage d'un modèle de développement à un autre : une économie tirée par la consommation intérieure et non plus par les exportations.

Les dirigeants chinois ont fait preuve d'un incontestable brio dans la conduite de leur économie ces trente dernières années. La poursuite de cette performance commande d'ouvrir un autre chapitre de cette histoire à succès : la réévaluation du yuan.
Article paru dans l'édition du 14.04.10.
 
A court terme, une réévaluation massive du yuan est impossible [LE MONDE]

La Chine semble décidée à modifier son régime de change. Mais attention, messieurs les courtiers : ne vous emballez pas trop vite ! Envisagez la réévaluation du yuan comme une affaire de patience plutôt que comme l'occasion de réaliser une opération juteuse sans prendre de risque.

Pékin tient à protéger ses exportations tout en décourageant la spéculation. Attendez-vous donc à un mécanisme complexe et maîtrisé, et non à une franche réévaluation en une seule fois. La Chine fera en sorte qu'il y ait matière à prendre des positions dans un sens comme dans l'autre, pour échapper aussi bien aux reproches de manipulation déloyale du taux de change qu'aux raids d'investisseurs étrangers à l'affût de coups lucratifs.

L'autorité centrale de planification chinoise a alerté les exportateurs quant aux risques possibles sur le yuan. C'est le signe que le pays est prêt à laisser flotter sa monnaie. Un arrangement devrait se conclure avec les Etats-Unis, qui ont reporté la publication d'un rapport vraisemblablement très accusateur sur la devise chinoise.

Si Pékin passe effectivement à l'action, il procédera peut-être comme la dernière fois. Avant la crise du crédit, le yuan avait progressé de 20 % face au dollar, dans le sillage d'une réévaluation ponctuelle de 2 % opérée en 2005.

Mais cela ne passera peut-être pas ainsi la prochaine fois. Une appréciation massive pénaliserait les exportations et ne ferait qu'inciter les spéculateurs à anticiper d'autres interventions. Ils continueraient donc d'acheter du yuan. Une appréciation progressive serait plus facile à "digérer" pour l'économie nationale, mais ce choix reviendrait à aiguiser l'appétit des spéculateurs étrangers.

Le mieux serait d'opter pour une tactique qui remplacerait un système d'indexation, même assoupli, par un mécanisme d'alignement sur un panier de devises toutes flottantes entre elles.

La solution nuirait tout de même aux filières exportatrices du pays, qui ont l'habitude de travailler dans un environnement où le yuan est très stable vis-à-vis du dollar. La définition d'une plage de fluctuation maximale permettrait de limiter tant les dégâts que les possibilités de gain des spéculateurs. Avec le temps, la rapide amélioration de la productivité chinoise favorisera le renchérissement du yuan. Il faudra certainement passer par des chemins de traverse pour arriver au but recherché.
(Traduction de Christine Lahuec.)
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Wei Gu
 
Pékin n'exclut pas une réévaluation mesurée du yuan [LE MONDE]

La politique de change chinoise a été au centre des discussions menées, jeudi 8 avril, par le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, avec le vice-premier ministre chinois Wang Qishan, au cours d'un déplacement surprise à Pékin. Aux yeux des Etats-Unis, la sous-évaluation du renminbi chinois par rapport au dollar, vilipendée de tous bords, est en grande partie responsable des maux de l'économie américaine et hypothèque lourdement sa reprise.

De son côté, Pékin entend garder le contrôle du rythme et de l'ampleur de l'assouplissement, jugé nécessaire à terme, de sa politique monétaire. Les dirigeants chinois veulent à tout prix éviter d'apparaître aux yeux de l'opinion publique comme cédant aux pressions américaines. Les entreprises tournées vers l'exportation craignent, pour leur part, une érosion de leurs marges et freinent des quatre fers.

Une brusque appréciation du yuan affecterait aussi l'économie mondiale et les consommateurs américains, a déclaré, jeudi, Xia Bin, un membre du comité de politique monétaire de la banque centrale chinoise. "L'intérêt fondamental des Etats-Unis n'est pas de voir le yuan s'apprécier", a-t-il dit lors d'une conférence, ajoutant que la Chine devrait lier le yuan à un panier de devises étrangères d'ici à quelques années.

Ces derniers mois, ces divergences ont fait monter la tension entre Pékin et Washington. Dans son rapport semestriel au Congrès, dont la publication était prévue le 15 avril, le Trésor américain n'excluait pas d'indiquer que les autorités chinoises "manipulent" leur devise. Ce quasi-ultimatum américain avait provoqué en Chine une campagne de presse virulente. Les journaux dénonçaient l'arrogance des Américains, accusés de faire peu de cas des contraintes d'une économie chinoise encore fragile malgré sa forte croissance.

La visite de M. Geithner pourrait marquer l'ouverture d'une phase plus pragmatique de négociations. Le rapport du Trésor a été reporté. Et la Maison Blanche a laissé entendre que le président Barack Obama s'entretiendra de la politique de change avec son homologue chinois, Hu Jintao, en marge du sommet sur le désarmement nucléaire réuni les 12 et 13 avril à Washington.

La "realpolitik" semble avoir pris le dessus pour un temps : les Etats-Unis cherchent à obtenir le soutien de la Chine sur le dossier nucléaire iranien, et la présence de M. Hu dans la capitale américaine aurait été impossible à la veille de la publication du rapport du Trésor.

Autre rendez-vous pesant dans la volonté d'apaisement : le "Dialogue stratégique et économique" sino-américain, nouveau sommet annuel entre les deux puissances, qui se tiendra en mai à Pékin : la politique de change y sera cette année au cœur des débats; en 2009, le dossier avait été éclipsé par la nécessité, pour l'administration Obama, de ménager le créancier chinois alors que les Etats-Unis relançaient leur économie.

TON CONCILIANT

Il faut préparer le terrain et laisser le temps aux Chinois de sauver la face. En outre, ils veulent éviter d'être pointés du doigt lors des prochaines rencontres du G7 et du G20. Leur ton est plus conciliant : Zhou Xiaochuan, gouverneur de la banque centrale, a déclaré en mars que le rattachement de facto du yuan au dollar depuis 2008 était "une réponse temporaire" à la crise financière globale.

Sa valeur face au billet vert est quasiment inchangée depuis 2008 après s'être renchéri de 20 % entre 2005 et 2008. Elle s'est légèrement appréciée depuis mercredi, pour la première fois depuis le début de 2010. En pratique, les autorités chinoises autorisent une marge de fluctuation de 0,5 % par jour entre les deux devises, mais sont maîtresses du jeu en raison de l'inconvertibilité du yuan sur les marchés de change, ce qui explique le gel de la réévaluation après juillet 2008. Le yuan est convertible pour les transactions commerciales.

L'un des premiers signes d'un assouplissement de sa politique de change, et donc d'un compromis avec Washington, pourrait être l'élargissement par Pékin de la marge de fluctuation du yuan, indiquent les observateurs. Celle-ci était passée de 0,3 % à 0,5 % en 2007. Mais rien ne dit qu'une reprise éventuelle de l'appréciation de la devise, au même rythme que celui qui a été observé entre 2005 et 2008, réponde aux exigences américaines.
Brice Pedroletti
 
Bonjour,

La reevaluation du yuan, une bonne chose pour les occidentaux ? pas si sur

Attention aux idées reçues sur le yuan
Quand on parle du yuan, nous sommes tous tellement concentrés sur le fait qu’il FAUT que les Chinois réévaluent et cessent leur dumping commercial par la sous valorisation de 40% de leur monnaie et tous tellement convaincus qu’ils ne le feront pas, ou si peu que ce sera à peine perceptible, qu’on ne se pose pas une question pourtant essentielle : quelles seraient les conséquences d’une réévaluation très significative du yuan ?
Et vous allez voir que la réponse n’est pas aussi évidente qu’il n’y parait. En première analyse, tout le monde a tendance à donner la même réponse: si le yuan est réévalué, la Chine verra ses exportations chuter et les Etats-Unis et l’Europe seront plus compétitifs. Dés lors, on assistera à un rééquilibrage mondial des surplus et des déficits commerciaux. Conclusion : ce sera donc une très mauvaise nouvelle pour la Chine et une trés bonne nouvelle pour les autres pays.
Pas si vite. Creusons un peu le sujet.

1. La première conséquence d’une réévaluation du yuan serait… une hausse immédiate de l’inflation dans les pays importateurs. Le coût de nos chaussettes, chemises, machines à laver, réfrigérateurs, meubles et autres produits « made in Chiné » connaîtrait une hausse immédiate qui viendrait plomber un pouvoir d’achat déjà en berne. Bad news.
2. Ni l’Europe, ni les Etats-Unis ne sont capables de produire ce que la Chine produit. Même si les couts de production en Chine augmentaient de 15 ou 20% en cas de réévaluation majeure, la Chine serait toujours aussi compétitive. Nous n’allons pas du jour au lendemain, ni en un an, ni en dix ans « réindustrialiser » l’Europe pour de la production de masse. Qui a envie d’ouvrir aujourd’hui une usine de 10,000 ouvriers en France ?
3. Une hausse du yuan provoquerait certes un repli des surplus commerciaux chinois mais elle entraînerait un enrichissement instantané de la Chine qui lui donnerait des capacités d’investissement à l’étranger presque sans limite. Aux appels au protectionnisme contre les exportations chinoises succèderait l’appel au protectionnisme contre les investissements Chinois
4. Dans l’hypothèse où la Chine exporterait moins, ses réserves de change diminueraient et elle aurait donc moins de dollars de recettes et moins de dollars à investir dans la dette Américaine.
5. Si le yuan réévalue, la Banque Centrale Chinoise n’a pas besoin d’acheter des dollars tous les jours pour bloquer la progression du yuan comme elle le fait aujourd’hui et là encore elle aurait moins de dollars à investir dans la dette Américaine.
Dans ces deux cas, la hausse des taux d’intérêt américains à long terme serait immédiate et dévastatrice.
6. Si le yuan est réévalué, la demande intérieure Chinoise pourrait momentanément être relancée mais on ne peut avoir aucune certitude sur le sujet, aucune.
Pas si simple donc…

comme on l’a vu, la réévaluation du yuan serait , contre toute attente, NEGATIVE pour les Etats-Unis et POSITIVE pour la Chine.
Les Etats-Unis le savent, l’administration Obama le sait, le Congrès Américain le sait et le Trésor Américain le sait.
Mais aujourd’hui il faut, comme au début des années 90 avec le Japon, répondre à la colère des ouvriers Américains licenciés qui voient dans la Chine la source de leur malheur. Il n’est donc plus possible de faire machine arrière.
http://weinstein-forcastinvest.net/...-commence-et-ce-n’est-pas-une-bonne-nouvelle/