Ne pas perdre la façade [2e partie 2/2]
Les écoles sont devenues des centres privés où il faut payer et donc seuls les riches ont droit à l’éducation et à la potentielle lutte des classes qui est bien loin désormais (enfin si mais lutte des classes entendant compétition interne féroce). Dans le même registre et exemple du libéralisme à son paroxysme, les hôpitaux sont devenus de véritables centres commerciaux où l’on y fait des promotions spéciales, où à la fin d’une visite on vous remet des sacs identiques à des boutiques de luxe. Ou encore il existe un « service clientèle » (« customer service »). Des pharmacies appartiennent aux hopitaux eux-mêmes ce qui en fait des systèmes intégrés type « trust » (ayant un monopôle car verticalement intégré). Ce même « trust » duquel il est très difficile d’avoir confiance offre des prix beaucoup plus chers que les pharmacies indépendantes. Mais les ordonnances sont de véritables formules magiques ou hiéroglyphes que seule cette pharmacie peut décrypter et de là on annihile toute forme de concurrence. Tout comme l’éducation même question où est passée la médecine traditionnelle chinoise (plus préventive que curative) si performante et qui semble avoir disparu au profit des « neo liberopitaux ». Cette nouvelle société semble être gérée comme une entreprise.
Le pays est rongé par la corruption. Les contrats locaux sont souvent concédés par commission au détriment des zones constructibles par exemple où l’on ne respecte pas les règles de sécurité de base afin de réduire les coûts. Mais c’est autant macrocosmique que microcosmique car qui donne l’exemple. Le gouvernement devant tant de paiements non déclarés a été contraint de mettre en place des systèmes de motivation financière pour influencer les gens à demander des reçus officiels (des additions) afin que des taxes puissent être ponctionnées. Cette corruption à différents étages de la société ronge celle-ci et la paralyse par ce biais. C’est l’individu qui scie la branche sur laquelle il est assis. On a entre bon nombre d’autres exemples ces scandales de détournements des dons liés aux sinistrés du tremblement de terre en 2008 dans le Sichuan. Cette société sclérosée est polluée par cette corruption et du coup tout le monde (les locaux et au delà le monde entier) en pâtit. On peut établir un parallèle très symbolique et vital avec l’eau. L’eau semble en aspect acceptable mais elle est extrêmement polluée en plomb, en fer… tant les canalisations sont endommagées, car peu entretenues. Mais ça c’est en dessous de la réalité visible, ce sont les égouts de la Chine ce que personne n’est en mesure de voir or ce qui compte comme on l’a vu c’est la façade, pour ne pas perdre la face.
La Chine est au bord de l’implosion et de là se cantonne à ce qu’elle semble avoir mais jusqu’à quand? Tout le monde est unanime de manière microcosmique, à savoir individuelle (quand l’éducation l’a permis). Le gouvernement chinois est perçu comme le grand père acariâtre qui délire et que l’on laisse parler par pudeur ou respect des anciens sachant pertinemment qu’il a tord et que ses jours sont comptés. Par là on se refuse à lui couper la parole ou pire le contredire. On a vu en 2010 la censure des réseaux sociaux qui se sont vus interdits (face book ou youtude, google limité, la page 404 en guise de rappel à l’ordre)… On pourrait ironiquement dire que pour ne pas perdre la face le gouvernement a interdit facebook mais que de fait il en a perdu la facebook car personne n’est dupe et l’effet engendré a été pis. Il n’a fait que se décrédibiliser. Mais jusqu’à quand? Vu que la question n’est pas si cela va continuer comme tel indéfiniment mais surtout comment? Comment opérer ce changement qui de facto se voit être inévitable… Jusqu’ à présent le gouvernement sauve les meubles de cette bâtisse qui s’affaisse et pour laquelle aucune mesure de restauration concrète n’est prise. Cette société se voit aller droit dans le mur (into the wall but not the Great Wall, cette fois).
La censure est prévalente sur beaucoup de sujets. Par exemple le prix nobel de la paix 2010 Liu Xiaobo est un dissident chinois selon Pékin et pour ces raisons il est en prison depuis plus de 6 ans. Ayant reçu le prix vituellement à Oslo, une chaise vide avait été préparée en guise de symbolisme. Du coup des expressions comme « chaise vide » s’étaient immédiatement vues censurées, les sms bloqués. Cela montre la puissance et la portée du gouvernement. Ou encore après le 11 mars 2011, il était interdit de parler d’une menace de radiation nucléaire en Chine afin d’éviter tout mouvement de panique. Du même ordre, la vague de contestation qui a sevi dans bon nombre de pays arabes était surveillée de près par le gouvernement qui craignait une contagion. Cette même vague était aussi voire pire que les conséquences du tsunami et d’une certaine manière un plus grave et « réel cataclysme potentiel » pour ce même gouvernement. Et de fait s’en est suivi une vaste répression qui a d’ailleurs été extrêmement peu relatée dans la presse internationale. Le gouvernement a gagné en quelque sorte sa guerre de desinformations et a reussi à étouffer l’affaire, ou plutôt les affaires. En terme de symbolisme cynique on a réussi à faire disparaitre les corps encombrants mais attention à ce que les cadavres ne remontent pas à la surface. Et oui tout ne peut pas être fait non plus sans conséquences. Par exemple début avril l’artiste Ai Weiwei a été incarcéré pour ses contestations du gouvernement. Comment cela peut-il être possible. La population est indignée mais seul Hong Kong n’a pu faire des manifestations.
Alors on a des VPN (Virtual Private Network), des serveurs extérieurs qui font qu’on est censé se connecter d’ailleurs, de l’extérieur de l’empire du milieu. Du coup grâce à cet outil mais aussi cette arme de destruction massive pour le gouvernement on a accès aux restes du monde. Il s’agit d’une belle hypocrisie car pourquoi dans ce cas ne pas interdire tout accès à de tels téléchargements. Le gouvernement a mis en place des cellules pour lutter contre cette menace et de même il s’agit d’un jeu du chat et la souris. Un VPN existe jusqu’à ce qu’il soit identifié puis neutralisé. Le cas échéant un autre vient le remplacer. C’est une lutte perdue d’avance. Le pouvoir essaye juste de se voiler la face pensant la perdre mais une fois de plus ce n’est que de façade. Il est juste question de montrer que le Big Brother chinois est partout et travaille activement dans l’ombre à mettre en lumiere tout abus dans le but d’un maintien de l’ordre pour la sécurité individuelle de la population. Mais pourquoi cette énergie n’est-elle pas plutôt réorientée vers la lutte des contrôles de qualité dont les manquements nuisent plus à la santé de son peuple ?
Les problèmes liés au Tibet, Taiwan, le Turkestan ne sont que les prémices de ce qui peut arriver car il n’existe pas de Chine mais bien des Chines sur un plan sociologique. La Chine compte 56 ethnies différentes. Mao a justement apporté une illusion d’unité à travers notamment l’union de la langue: « Putong Hua » la « langue standard » censée être véhiculaire. D’ailleurs étymologiquement un synonyme du « mandarin » est « Hanyu » ce qui signifie la « langue des Hans ». Au passage rappelons juste que ces derniers sont majoritaires puisqu’ils représentent plus de 80% de la population totale. Et quelque part sur ce simple fait, on pourrait émettre l’hypothèse d’un certain impérialisme Han sur les autres communautés minoritaires qui en nombre sont de facto majoritaires (55). Mais en pratique il n’en est rien un exemple parmi tant d’autres, on parle plus le Wenzhounais à Wenzhou ou Cantonnais à Canton (et ce même si dans cet exemple ce sont des Hans), à la différence de son voisin et frère ennemi l’Inde qui compte tant de langues et pour laquelle l’anglais supplante sur un plan pratique et quotidien l’Hindi. La France « Faguo » à savoir de manière littérale, le « pays de la loi » est perçue comme un eldorado. A juste de titre « pays de la loi » car c’est le premier peuple à avoir pris les rennes de son destin en destituant l’autorité en place. A titre d’exemple la masse peut tout et surtout créer un ras de marée et ce même si elle est désarmée. Si une personne démoniaque et psychotique dans un stade de 80 000 (comparable au stade de France) personnes, est armée d’une calachnicofe à munitions infinies. Que va-t-il se passer? Bien sûr il tuera une grande partie mais à un moment les balles ne seront pas aussi rapides que la marée humaine déferlant sur lui. Celui-ci se verra vite submergé et destitué de son arme et ce même si aucun individu ne possède rien de plus que ses propres mains nues.
Quand je dis la Chine est au bord de l’implosion, on pourrait établir un parallèle avec le « syndrome chinois » en physique (expression que l’on doit à Ralph Lapp). Celui-ci décrit un scenario en cas d’explosion ou fusion d’un réacteur d’une centrale nucléaire. L’énergie dégagée serait telle que cette centrale se verrait en théorie se replier sur elle- même et traverser la terre d’une extrémité à l’autre. C’est ce que risque la Chine et le monde à aujourd’hui dans sa condensation sur tous les plans: humains, productifs etc ce qui fait courir un énorme péril à l’humanité entière.
Quelque part on peut penser non pas « qu’on » a crée un monstre mais que celui-ci est le fruit de la mondialisation (globalisation en anglais étant plus évocateur) avec toutes les limites que demontrent ce systeme mondial qui a crée un monstre. On pourrait comparer ce phénomène à l’image de Frankenstein dont le créateur n’arrive plus à controller celui-ci. Le système international libéral a fait de la Chine un être incontrolable qui semble en roue libre car qui controle la Chine : ce gouvernement, les marchés ? ...
Mais une révision semble être inévitable. Il faut tout de même noté que le premier ministre Wen Jiabao est l'un des seuls dirigeants chinois à se prononcer en faveur d'une réforme politique. Et vu que le gouvernement est assez pragmatique finalement (s’il ne veut pas perdre la face) cette révision de la société se doit d’être structurée, raisonnée, douce (dans le pacifisme et non leurs heurs, ni l’anarchie qui l’annihilerait de facto). Enfin elle se doit d’être progressive en prenant le temps nécessaire. Ce changement ou cette transition se doit d’être douce car il n’est pas question qu’une autre société ambrionaire ne naisse de celle-ci en tant que clone déguisé (un « neo fake système » ou un « fake neo système »).
Où est passée la Chine d’antan si brillante qui a tant apporté à l’humanité à travers la sagesse liée au Confucianisme, au Taoïsme, à la découverte des techniques agraires, de la roue, du boulier, de la médecine traditionnelle…etc. Cette révision de la société chinoise ne doit-elle pas puiser dans ses propres racines et son histoire si prestigieuse ?
Bien sûr je suis conscient que la Chine évolue à son rythme pour vivre au centre de l’empire du milieu au quotidien et de surcroit dans le commerce (l’échange). Je vois cette population malgré tout délicieuse et qui souffre. Je vois cette Chine si séduisante des années 2000 perdre son aura au profit (avec et sans jeu de mots) d autres comptoirs tels le Bangladesh, le Vietnam & co (.co, .com, worldwide dimension oblige). Je me réjouis que d’une certaine manière la production parte de Chine sous pression de revendications salariales qui font que la Chine est moins compétitive car sa masse se défend et même ses travailleurs veulent profiter de cet essor. Ils aspirent à un meilleur niveau de vie, bien souvent ils retournent dans leur campagne au nouvel an et ne reviennent plus. Bon nombre d’usines se voient aussi paradoxal que cela puisse paraître en sous effectif et peinent à recruter et garder leurs employés. Le gouvernement a investi depuis 2010 grâce à des subventions, pour développer des usines dans les provinces de la Chine intérieure afin d’officiellement désengorger le littoral surpeuplé et dont la condensation économique est extrême. Officieusement il est question de conserver une productivité forte et optimisée.
A aujourd’hui en Chine a-t-on le droit d’écrire ce que j’écris? A-t-on le droit de le penser? Ça rappelle vaguement à titre de comparaison le joueur de tennis McEnroe. Ce dernier à l’époque avait tellement d’amandes à dire ce qui pensait en tant qu’insulte qu’une fois il fit la chose suivante. En désaccord comme à l’accoutumée avec un arbitre, il avait dit: « je n’ai pas le droit de vous dire que vous êtes un con sinon je vais avoir une pénalité, n’est-ce pas? » La réponse de l’arbitre était sans appel « bien sur ». Du coup lui, avait rétorqué « alors je ne vous le dis pas sachez que je le pense profondément »…
Je ne m’extériorise aucunement de cet ensemble ni de cette société de laquelle comme tout le monde je profite. La Chine « the place to be », le nouvel elordorado qui semble a priori si appréciable si l’on fait abstraction du fond (et que le monde semble toucher aussi). Je ne suis rien d’autre qu’un pion ou un acteur de cet ordre établi qui est bien plus qu’un problème local mais un problème planétaire. C’est une sorte de constat évident de cette globalisation qui n’est qu’un échec. Ce qui me differencie peut être c’est cette prise de conscience des failles du système global dans lequel nous vivons et duquel il est impossible de s’extraire. Alors c’est certain que mener une vie d’expat est delicieux en Chine. Dans ce pays où l’on ressent le monde des possibles, les Etats Unis d’il y a quelques décennies et où l’on est si loin de la morosité ambiante et de la sinistrose morale et économique de la « vieille Europe »... Au delà de cette avalanche de critiques en rappelant que « critique » (« crisis ») signifie « trier », bien sûr aussi que je suis conscient de ses avantages multiples. Ne serait-ce qu’un seul primordial à mon sens qui est, à travers ceux qui la façonne au quotidien à savoir son peuple. De manière globale les Chinois sont très gentils, accessibles. Il existe chez eux une veritable proximité, une simplicité délicieuse et une ouverture malgré tout sur l’étranger dans son sens le plus large.
Je suis né en Chine en 1981 (l’année ou Deng Xiaoping est arrivé au pouvoir et a lancé sa politique d’ouverture de l’empire du milieu au reste du monde. Ce dernier qui a étudié et vécu en France à l’époque selon Wikipedia avait « comme mission d'apprendre de l'occident pour sauver la Chine en prise à d'importants troubles ») et y ai grandi jusqu’à l’âge de 8 ans. Mes parents ont décidé de quitter leur pays en 1989 (au même moment où ce grand acteur de la Chine d’aujourd’hui Deng Xiaoping mais aussi dicident de Mao qui l’avait fait incarcérer à trois reprises, quittait le pouvoir) et ne parlent quasiment pas francais. Personnellement j’y suis retourné pour y vivre depuis quelques temps même si je me sens français à part entière mais au delà citoyen du monde. Or j’ai mal à ma Chine (comme d’autres pourraient dire sur certains points et dans une dimension différente j’ai mal à ma France). Je dis cela car je suis chinois or si j’étais français ou americain ou peu importe mon message serait perçu differemment. J’adore mon pays mais mon pays est malade et a besoin que son peuple mais au delà l’humanité le guérisse afin qu’il retrouve sa propre humanité perdue… C’est vrai que sur la masse je ne suis rien qu’un chinois de plus, 1 sur 1,387 milliards mais nous sommes individuellement tous (au dela de la mer de Chine) une goute dans l’océan de l’humanité or une goute de lait dans le café ne fait-il pas en sorte que celui ci change d’aspect?
Einstein disait « le monde est dangereux à vivre non à cause de ceux qui font le mal mais a cause de ceux regardent et laissent faire ».
To be continued (à suivre, a suivre de prés, mais en anglais « à être continué, à continuer »).