Ne pas perdre la façade [1ere partie 1/2]
Aujourd’hui l’objectif de la Chine semble être de pas perdre la face dans ce face face avec le monde, et ce même si la plupart des choses ne sont que de façade. Perdre la face signifie être humilié en public devant l’autre, la masse, de sorte que la personne est anéantie et ne peut se relever de ce chaos.
Par le fait souvent la Chine afin de ne pas perdre la face, se voile la face car elle pense ne pas pouvoir faire volte face, ne plus pouvoir faire machine arrière ce qui serait synonyme de récession. Au contraire elle se veut une image forte, en croissance, dominante, brillante. Cette lumière de l’empire du milieu éblouit le reste du monde. Et par reflet, ce monde (ces « empires des extrémités » de facto) met en lumière cette Chine participant à cet essor en s’en servant comme le levier de la dynamique mondiale et en la plaçant en tant qu’atelier du monde. Aussi elle se doit en retour d’être brillante et capable de tout en terme de faisabilité et du coup coute que coute à tous les coups (pour proposer les plus bas coûts, et s’il le faut même user de coups bas) elle est prête à tout. Elle se veut proposer les prix les plus compétitifs du monde et ce à tout prix. Et là on vend alors du vent, du vide. L’apparence fait bonne figure mais de manière intrinsèque, on rogne sur la qualité. On nage dans l’art de l’illusionisme. Cette illusion profonde est avant tout une terrible hypocrisie puisque le plus grand nombre est conscient de toute cette supercherie mais se tait. Le monde sait aussi tout ça, les medias en occident ressassent sans cesse les « prouesses » de la société chinoise en entachant sa progression et son image. Nous avons tous en tête les nombreuses informations terribles affectant la santé publique. Le lait des bébés contaminé, les chaussures brûlant les consommateurs ou le textile de canapé s’enflammant… Mais en même temps rien ne se passe concrètement. Le gouvernement ne met pas pour autant de mesures pour éradiquer ces excés. Pourquoi des normes satinaires, de sécurité ne sont-elles pas mises en place et surtout pourquoi des organismes nationaux ou indépendants ne sont ils pas institués? On a envie de dire en ironisant que fait la police? Parlons-en de cette police que l’on craint plus qu’elle n’est censée protéger. La plupart des gens déplorent tant de corruption avec la police qui demande des bakchichs à tout va. La Chine est à aujourd’hui l’un des pays les plus sûrs du monde en terme d’insécurité (agressions…) mais quid de l’insécurité ambiante et quotidienne sur les produits que l’on consomme qui sont de véritables roulettes russes, de ces endroits sans normes que l’on habite…
Depuis peu la Chine a été faite (Made in China) ici et par l’ailleurs. Et au delà elle a surtout été façonnée car fascinée par l’occident en s’oxydant elle-même afin de gagner du temps sur le temps perdu lors du « grand bon en avant » et de l’isolationnisme lié à Mao. Le « Made in China » est quasiment devenu une marque, un standard, un label de non-qualite et ce même si le gouvernement a énormément investi depuis les années 2005 dans la recherche et developpement pour lutter contre cet aspect d’image bas de gamme.
La Chine souffre de la notion de “fake”, la contre façon. A l’extrême et par provocation y a-t-il une menace de contre façon du « made in China », de fake made in China ou pire de fake Chinois… Mieux vaut ironiser c’est évident que je ris jaune si je puis dire.
Plus sérieusement il s’agit d’un réel danger pour le consommateur. Sur le marché local on déplore bon nombre de cas affligeants comme des Iphones copiés qui explosaient en défigurant les utilisateurs. Il demeure également une menace pour la notion de propriété intellectuelle. On copie sans cesse, sans retenue, sans morale ni déontologie. Au delà il existe beaucoup de faux en terme de certificats quels qu’ils soient par exemple les normes qualitatives type ROHS, CE… Ou encore bon nombre d’automobilistes ont tout simplement acheté leur permis de conduire. Dans un même registre car quid de la sécurité au quotidien des utilisateurs qui se trouvent sur la route de tels véhicules, il a été révélé en 2010 qu’environ 80 pilotes de ligne avaient falsifié leurs parcours, leur CV et n’avaient jamais eu leur diplôme.
Historiquement et culturellement la société chinoise est censée voir la force dans le groupe et minimiser l’impact individuel. Cela étant à aujourd’hui la société chinoise parait tellement individualiste. Le chacun pour soi semble être la valeur principale. Et de fait assez symboliquement il suffit de voir comment s’organise une queue: il faut jouer des coudes, chacun essaye de contourner et d’être le premier et peu importe la manière. La fin justifiant toujours les moyens. Combien de fois on se trouve dans des situations telles qu’on se prend la porte dans le visage tant il ne semble pas évident de la tenir par courtoisie. Mais quelque part ceci n’est-il pas lié au fait qu’à la source on a crée une politique de “l enfant unique”? L’enfant unique signifie par lapalissade qu’il est unique donc individuel et peut être individualiste. Il semble être au centre de son propre empire du milieu, la famille. Il n’est pas confronté à l’autre, l’extérieur si ce n’est que pour le comparer. Sans quoi au sein d’un foyer et donc de la base de sa vie, il est seul. Il sacralise par la même, tous les espoirs des parents dans une société qui va vite et qui permet malgré tout, dans certains cas, aux meilleurs de surpasser leurs classes sociales. Du coup il en résulte une cristallisation de l’enfant pour atteindre les rêves de la génération antérieure. Imaginez leur poids alors, cette pression de toute une famille qui de fait s’opère sur les épaules de l’enfant unique surtout quand il se confronte, à l’autre, le monde, la masse. La masse, riche de 1,387 milliards d’âmes (sur le recensement “officiel” fin 2010). Quelque part il est seul et donc seul dans ce monde, créé pour réussir. En effet au quotidien pour ce qui est des universités l’offre peut de moins en moins absorber la demande. Il s’agit là d’un véritable monde marchant, marchant ainsi marchant sur la tête parfois. Cette dernière étant beaucoup plus forte que ce que la société peut offrir. Du coup on voit se créer des phénomènes identiques aux frères ennemis voisins, le Japon et Taiwan qui enregistrent des taux de dépression et de suicides chez les jeunes impressionnants.
L’empire du milieu, l’empire du médian, l’empire du moyen (dans les deux sens) qu’est-il au juste? En deux mots, la société chinoise dans bon nombre de cas pourrait se résumer en « profiter du profit » ou de l’opportunisme. A l’instar de la bonne vieille devise américaine « In god we trust », ici cela semble plutôt être « in gold we trust » sous-entendu dans l’argent nous croyons. Les Chinois ont un rapport à l’argent tellement particulier et ce à chaque étage de la société notamment même à l’extrême les laissés pour compte. Ces derniers qui participent à cet essor, dans ce labeur mais n’en tirent aucunement les fruits de la récolte. Cette approche et cette attirance pécuniaire se retrouve à chaque étape de la vie. Les enfants reçoivent de l’argent très jeune au lieu de cadeau. Les mariages sont plus qu’évocateurs. On s’endette bien souvent pour se marier, pour faire comme si l’on pouvait se le permettre (de façade pour ne pas perdre la face). Il est question de manière sociologique de budget de mariages. Chaque mois quasiment ont lieu des noces d’amis, de confrères de la famille. Ainsi on s’alloue une place afin de financer ceux-ci. Du coup en guise de retour sur investissement les familles s’attendent à recevoir l’échange lors du mariage de leur propre enfant. Ou encore les voeux de bonne année expriment le souhait que l’on gagne beaucoup d’argent « Cong Xi Fa Cai ». A l’extrême du spectre de la vie, de manière post mortem on offre des biens matériels aux défunts, types des offrandes sacrifiées (brûlées ou autre) et selon les bourses allant jusqu’à des voitures.
Une jeune femme à la télévision Ma Nuo déclarait la chose suivante: « je préfère pleurer dans une BMW que rire sur ta bicyclette » signifiant par là sa préférence d’une vie riche mais triste plutôt que pauvre mais heureuse.
D’ailleurs les mœurs veulent que l’homme paye tout et que les mariages ne soient possibles que si l’homme est en mesure d’apporter un toit. Beaucoup de mariages arrangés ont encore lieu de nos jours et loin de penser que ça ne se passe que dans les provinces reculées de la Chine intérieure. Pas du tout à Shanghai même, le poumon économique de la réussite chinoise (la vitrine) en son centre, sur la « place du peuple » et non sans symbolisme (« people square ») on y assiste quotidiennement à la bourse matrimoniale. Les parents s’y rendent pour trouver un conjoint à leur enfant. Et oui société de l’enfant unique oblige, on n’a pas le droit à l’échec. Il s’agit là d’une véritable place d’échanges où la loi de l’offre et la demande s’affronte. On y confronte les CV en pointant et regardant les équivalences. Par exemple « ta fille a fait 4 ans d’études le mien 5, c’est mieux ». « Oui mais ma fille a fait un an aux USA» . « Oui mais le mien parle parfaitement anglais mais aussi allemand… etc ». C’est exactement ce qui s’y passe, l’expérience est d’ailleurs plus qu’enrichissante (sans jeu de maux). Ce sacralisme de l’argent est-il récent ou culturel? S’agit-il d’un effet compulsif lié à tant de privation durant plus d’un demi-siècle et donc par là un revanche sur la vie?
Toujours sur un plan sociologique et comportemental, une grande partie du peuple chinois semble soumis et asservi mais conscient de leur servitude car beaucoup défendent la Chine avec un patriotisme exacerbé et aveugle. Et quelque part on pourrait comparer ceci au syndrome de stockholm une sorte de dépendance affective de son ravisseur ou son tortionaire. Mais de manière plus pragmatique on peut penser que c’est le fruit du dur labeur de labourage des consciences et lavage de cerveaux lié au Maoïsme. Il s’agit là d’une véritable jachère de la pensée. C’est le pire cataclysme que la Chine ait connu durant toute son histoire pluriséculaire. La société chinoise dans son ensemble prend si peu d’initiative, fait preuve de tellement peu de créativité, ni de réflexion encore moins de recul. Du coup on peut se poser la question de savoir comment si ce n’est pas par le biais de l’extérieur un changement peut-il s’opérer s’il n’y a que si peu de sens critique.
En effet le paradoxe de la société chinoise est cette oisiveté, cette servitude, cette soumission, cette peur du gouvernement, des institutions étatiques (police etc…) et en même temps elle est si difficile à canaliser, à gérer. Comme si la règle d’or était qu’il n’y avait pas de règles et que toute fin justifiait les moyens. Elle ne respecte finalement que très peu les règles. Il semble régner une sorte d’anarchie : dans la manière de conduire (le non respect des piétons lorsque les feux sont verts), le non respect des queues... entre autres. Mais en même temps personne ne dit jamais rien pour ainsi dire. Il n’y a que très peu d’indignation, de révolte. Les gens sont là sans l’être ou plutôt sont las de ce genre d’abus mais comme si c’était normal. La norme est à l’absence de règle.
La Chine est sur un plan économique second mais il est sûr qu’il est toujours plus facile lors d’une course sur longue distance d’être celui-ci que d’être à la corde. D’ailleurs la Chine occupe la 2e place mondiale mais est également toujours un pays émergeant. Néanmoins d’ici quelques années elle ravira la place des Etats Unis. Il est certain que dès l’ores on peut penser que la Chine est plus qu’à bonne école en terme de libéralisme économique où la liberté d’entreprendre et de faire de l’argent est de rigueur. Il est évident que très vite l’empire du milieu supplantera l’oncle Sam : l’élève aura alors dépassé le maître.
Par ailleurs la Chine veut en imposer au monde et s’est lancée dans une course aux prouesses notamment sur un plan architectural. On érige des gratte ciel toujours plus hauts. Elle se livre à une sorte de compétition mondiale (des « Jeux Haut-lympiques ») en la matière rivalisant essentiellement avec les pays moyen-orientaux et les Etats-Unis. On pourrait faire un parallèle avec le temps des cathédrales. A l’époque les villes se lançaient dans une course à flirter toujours plus avec la voûte céleste. Ayant été dépassée depuis peu par une tour de 800m aux Emirats Arabes Unis, et se sentant touchée dans son orgueil, la Chine a de suite mis en place un programme prévoyant une tour d’un kilomètre histoire de s’assurer (est d’assurer son histoire en s’inscrivant dans son futur) cette place de numéro 1 pendant un certain temps mais probablement aussi un temps certain. La question à aujourd’hui est jusqu’à où cela va-t-il aller. Les arbres ne montent pas jusqu’aux cieux. Mais surtout ces gratte ciel qui chatouillent la voûte céleste, à quoi bon. On peut d’ailleurs se mettre à penser à titre ironique si la Chine ne pense pas copier la dimension divine. Pour exemple le gouvernement joue très souvent à l’apprenti sorcier (qui n’en est pas) en lançant des fusées censées réguler la météo: pour qu’il neige ou encore pour que les nuages se dispersent et qu’il fasse beau pendant entre autres les Jeux Olympiques ou l’exposition universelle.
Les médias locaux, officiels sont perçus par certains comme un acordeon à savoir que d’un rien on en fait tout un « foin ». On joue une douce musique afin d’hypnotiser les masses. Il est quotidiennement décrit les prouesses de la Chine sur tous les plans et ce notamment grace à la grandeur du parti. Sinon en parallèle il existe des médias officieux en l’occurence Kaixin001. Il est question ici d’un jeu du chat et de la souris (de chate avec les souris informatiques si l’on peut dire) avec l’actualité et le gouvernement qui tente impuissant ponctuellement de censurer. Car en effet l’info ne peut être hermétique. Elle vient, elle est transmise extrêmement rapidement puis interdite. Cela étant entre temps les messages sont transmis et véhiculés. C’est un peu comme l’enfant qui tente de sauver son chateau de sable face à la marée, cela semble perdu d’avance. Et au delà les gens, parlent, pensent, voyagent. Combien de fois j’ai rencontré des étudiants ou touristes chinois en occident qui adoraient discuter et poser des questions politiques. Ces mêmes derniers qui en Chine n’osent pas. Historiquement le principe d’indépendance était né de ça. Bon nombre d’hommes colonisés avaient été mobilisés lors de la seconde guerre mondiale. Par la suite ils étaient retournés au pays « heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage [...] puis est retourné plein d’usage et raison vivre entre ses parents le reste de son age » pour paraphraser Du Bellay. Il en est de même après la guerre ces derniers ayant lutté pour la liberté au nom de leur neo inquisiteur pour défendre la liberté de celui-ci face à l’oppresseur se devaient de gagner en retour la leur. C’est ce qui s’est passé de manière différente quant à la forme et quant aux pays mais le résultat est resté inchangé. Aujourd’hui en Chine il en est de même, tous ces Chinois qui voyagent, ramènent nécessairement des idées, des aspirations à la démocratie, bref à la liberté.
Quid du parti communiste chinois ? « Communisme » étymologiquement fait nécessairement allusion à la notion de mise en commun et donc quelque part de partage. Mais ce dernier semble si loin. L’empire du milieu est à aujourd’hui l’un des pays les plus libéraux au monde. En pratique la liberté d’entreprendre et de faire du business est extremement flexible, et ce surtout quand on graisse un peu la patte des élus locaux, du parti etc... Les hôpitaux, les écoles y ont été privatisées créant de véritables clivages sociaux. [à suivre cf 2e partie ]