La force féminine de Chine

mam721

Membre Silver
28 Fev 2011
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Wuhan 武汉
En Chine, les femmes sont libres de faire des études et d’entamer la carrière qui leur plaît. La voie qu’a empruntée cette libération féminine est cependant très particulière. Retour sur l’histoire du mouvement et coup d’œil sur la situation actuelle des femmes.

Selon le Rapport mondial 2012 sur les disparités entre les sexes publié par le Forum économique mondial, think tank suisse dont le siège est à Genève, l’Islande occupe à nouveau la première place au classement mondial pour la parité homme-femme, devenant le pays le plus paritaire au monde. La Chine occupe la 69e place, devançant les autres pays d’Asie de l’Est, tels le Japon, la Corée, etc. Dans ce rapport, on a évalué des pays en se basant sur 14 indices, parmi lesquels les ressources des femmes, les opportunités qui leur sont offertes, leur espérance de vie, le taux de mortalité des femmes enceintes et le nombre de femmes fonctionnaires. Ce rapport concerne 135 pays et plus de 93% de la population mondiale. Aujourd’hui, la position sociale, le niveau d’instruction et le pouvoir d’achat des femmes augmentent sans cesse en Chine. Les femmes constituent donc une force qui ne peut être ignorée. Il s’agit non seulement de leur propre force en tant que femmes, mais aussi de la force générée par la coopération entre hommes et femmes et de la force qu’elles peuvent éventuellement insuffler aux hommes. Cette force féminine est en train de transformer le rôle traditionnel des femmes chinoises dans la société.

Un relèvement continu de la position des femmes chinoises « Il y a un siècle, pas mal de femmes chinoises devaient se bander les pieds et ne pouvaient presque pas marcher. Pourtant, à présent, les trois femmes les plus riches du monde sont chinoises, et elles sont parties de rien. Et parmi les 20 femmes les plus riches, il y a 11 chinoises. » explique Patti Waldmeir, journaliste au Financial Times, auteur de les femmes chinoises portent la moitié du ciel.

Nous avons interviewé Yang Lan, animatrice télé célèbre et activiste féministe. Elle nous raconte l’ histoire de trois femmes de sa famille. À travers ces trois histoires, on peut retracer l’évolution des revendications des femmes après la fondation de la Chine nouvelle. La grand-mère de Yang Lan est née à l’époque de la Révolution de 1911. À ce moment les filles rurales étaient obligées de bander leurs pieds. Cela avait représenté une grande souffrance pour elle. Grâce à l’entremise de sa grand-mère, et étant donné que son père non plus ne supportait pas de voir sa fille souffrir, elle a pu avoir des « pieds de libération » comme les filles des villes. À 17 ans, ce sont ces « pieds de libération » qui lui ont permis de gagner Shanghai depuis son village natal au Zhejiang, pour éviter un mariage arrangé. Elle a trouvé un travail dans une usine pour gagner sa vie par elle-même, a épousé un homme qu’elle aimait, et a eu des enfants avec lui. Sa mère est la première femme à avoir fait des études universitaires. À l’époque, toutes les familles chinoises étaient à court de ressources financières, pourtant sa grand-mère a fait des économies pour aider sa mère à entrer à l’université.

Le parcours que Yang Lan est aussi brillant. En 1990, son diplôme à peine empoché, elle participait à une audition de la CCTV. Le producteur cherchait une animatrice ingénue, aimable, délurée et jolie. Yang Lan a demandé pourquoi l’animatrice ne pouvait pas avoir son propre point de vue et son propre style. Contre toute attente, le producteur a été charmé par cette question et a offert une deuxième entrevue à Yang Lan. Grâce à cela, Yang Lan a pu décrocher cet emploi.

En Chine, les femmes ont obtenu des droits identiques aux hommes, pourtant le processus d'émancipation des femmes chinoises s’est déroulé d’une façon quelque peu différente qu’aux États-Unis ou qu’en Europe. Aux États-Unis et en Europe, l’émancipation des femmes fut le fait de mouvements féministes partis de la base. En Chine par contre, elle fût réalisée par le haut. Au début de la fondation de la Chine nouvelle, le président Mao Zedong a préconisé que les femmes portent la moitié du ciel, ce qui a beaucoup encouragé les femmes chinoises. Dans l’édification d’un État socialiste, le gouvernement a founi aux femmes pas mal d’emplois et de droits démocratiques.

En Chine, considérer les femmes comme la moitié du ciel représentait vraiment un changement considérable dans les mentalités. Outre les facteurs politiques, le développement économique rapide a également joué un rôle important dans le rehaussement de la position des femmes chinoises. Selon Madame Wang Jiafen, présidente de l’Association des femmes entrepreneurs de Shanghai, « il y a mille ans, seuls les hommes pouvaient se concurrencer mutuellement. Pourtant, dans la guerre économique, on demande de l’intelligence, pas de la puissance physique. Le fort développement économique a permis aux femmes d’avoir plus d’opportunités ».

Il faudra encore du temps pour parvenir à l’égalité complète Malgré le relèvement radical de la position sociale des femmes, on est pas encore parvenu à une égalité totale. Selon la dernière enquête sur la position sociale des femmes chinoises, il y a un grand écart de revenus entre les deux sexes: les revenus des femmes actives dans les zones urbaines et dans les zones rurales ne représentent respectivement que 67, 3% et 56% de ceux des hommes. Les femmes font encore face à des obstacles quand elles participent à la prise de décision ou à la gestion. Le nombre de femmes occupant un poste dirigeant n’est que la moitié de celui des hommes.

Les femmes doivent se charger de lourdes tâches ménagères dans la famille. Dans les zones rurales de l’Ouest de la Chine, l’éducation et la santé des femmes ne sont pas satisfaisantes. Aussi, elle sont plus touchées par le chômage. Dans beaucoup de zones rurales, les parents préfèrent les garçons aux filles, ce qui entraîne aujourd’hui encore parfois l’avortement illégal, les parents espérant avoir un garçon lors d’une prochaine grossesse.

Ce phénomène n’est pas propre à la Chine. Le Rapport mondial 2012 sur les disparités entre les sexes a prouvé que ces problèmes existaient aussi dans le monde entier. Selon le rapport, les femmes ont progressivement rattrapé les hommes sur les plans sanitaire et éducatif, mais il est encore difficile pour elles d’occuper un poste élevé, d’obtenir une rémunération élevée ou d’accéder à la couche dirigeante dans leur profession. Selon le rapport, entre 2011 et 2012, l’écart économique entre les deux sexes s’est réduit dans 62% des pays seulement, et il n’y avait que 20% de pays où des progrès en matière de disparité par rapport aux carrières politiques avaient été réalisés.

Han Jian est enseignante à l’Institut de management Guanghua de l’Université de Beijing. Dans sa classe de MBA, l’âge moyen des étudiants est de 28 ans à peu près, et les femmes représentent 50% de ces étudiants. Pourtant, dans la classe d’EMBA, où l’âge moyen des étudiants est de 40 ans environ, les hommes représentant 80 % du total, et les femmes 20% seulement. « En recrutant des élèves, on aurait apprécié davantage de gestionnaires féminines, tant pour les entreprises que pour le gouvernement.

En théorie, les deux sexes ont des droits égaux en termes d’accès à l’éducation. Cependant, une différence apparaît au cours des études, surtout entre 28 et 38 ans.», nous explique Han Jian. He Zhenhong, présidente du magazine Les Entrepreneurs chinois, confirme : « Pendant 10 ans, on a choisi chaque année ‘le chef d’entreprise le plus influent de Chine’, mais seule une femme a été élue. La force féminine a pris de l’ampleur, mais une forte disparité entre les sexes subsiste, et les femmes font face à plus de difficultés dans la concurrence.

C’est un phénomène commun qui se manifeste plus clairement encore dans le monde intellectuel et dans les milieux politiques. Pour le candidat qui voudrait accéder à l’équipe dirigeante, le sexe féminin reste une entrave. En fait, on a là le signe le plus manifeste de l’inégalité. » Pourquoi ne partage-t-on pas les mêmes revenus quand on a le même niveau de compétence? La raison est à rechercher dans les conceptions de la société et aussi dans celles des femmes. En Chine, on entend le mari dire souvent à sa femme qu’il lui suffit de gagner assez d’argent de poche, et qu’elle n’est pas obligée de soutenir la famille.

Un proverbe anglais dit aussi qu’un femme élégante doit s’abstenir de demander une augmentation de salaire à son patron, car cela révèlerait sa rapacité. En Chine, bien des femmes qui jouissent d’une situation familiale confortable veulent travailler parce qu’elles entendent gagner une position sociale plus élevée. La rémunération n’est pas le plus important pour elles. Selon le rapport du Forum économique mondial, la réduction de l’écart entre les sexes constitue le fondement du développement économique et de la stabilité. Les pays qui ont réduit cet écart sont souvent plus compétitifs. Saadia Zahidi, une des auteurs, et par ailleurs responsable du programme des femmes leaders et de la parité entre les sexes, explique que parmi les dix pays dont l’indice de compétitivité globale se trouve en tête du classement, six font aussi partie des 20 pays les plus avancés en matière de parité entre les sexes. Cela montre qu’il est vraiment urgent pour les pays sous-développés d’éliminer l’écart de revenu entre les sexes et d’assurer la participation politique des femmes.

Accorder de l’importance à la force féminine La phrase de Mao Zedong les femmes portent la moitié du ciel a suscité pas mal d’interprétations différentes depuis qu’elle a été formulée, évoluant au fil des époques. Les femmes n’ont cessé de découvrir leur rôle social en reconnaissant l’indépendance d’esprit de Mao. « L’homme et la femme sont intrinsèquement différents en termes de structure physique et de caractéristiques. La lutte pour l’égalité des droits ne veut pas dire qu’on demande la même chose sur tout.

Aujourd’hui, en Chine, l’égalité ne signifie pas seulement le même revenu pour un même poste. Les femmes se demandent aussi ‘qu’est-ce que le but de ma vie et puis-je choisir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et familiale?’ Donc, elles ne peuvent s’obliger à faire un travail qu’elles n’aiment pas pour faire honneur à la devise ‘ les femmes portent la moitié du ciel ’, elles ne peuvent pas non plus abandonner leurs objectifs professionnels parce qu’elle épousent un homme excellent. Leurs choix ne doivent pas être déterminés par les valeurs d’autres personnes. Au contraire, elles doivent faire leurs propres choix et savoir ce qu’elles veulent », affirme Yang Lan. Yang Lan a été mère au foyer pendant un an après la naissance de son enfant.

He Zhenhong utilise hermaphrodisme pour décrire la situation des femmes modernes. Elle pense qu’il faut respecter les règles commerciales dans la société, autant pour les hommes que pour les femmes. Si l’homme et la femme se mélangent davantage, non seulement sur le lieu de travail mais aussi dans le cercle social, la compréhension mutuelle pourra s’approfondir : « Nous avons fondé une organisation qui s’appelait Mulan Hui. L’objectif n’était pas d’opposer l’homme et la femme ou d’entrer en concurrence. On veut un monde plus équilibré et on respecte la diversité des sexes comme un fait biologique. Donc, on invite les hommes à participer à nos activités autant privées que publiques. On discute aussi sur la meilleure façon de coopérer. On espère que les hommes et les femmes participeront à cette discussion ensemble et apprendront ainsi chacun à connaître les pensées de l’autre moitié du monde. »