La Chine s'en prend à la presse étrangère après des appels à manifester
LE MONDE du 7 mars 2011
Lien retiré
Des journalistes sont retenus, dimanche 6 mars, par des policiers chinois, près d'un lieu indiqué dans les appels à manifester lancés sur Internet.AFP/PHILIPPE LOPEZ
Shanghaï, correspondance - Les autorités chinoises durcissent leur contrôle de la presse étrangère après la publication sur Internet d'appels à manifester contre le régime, inspirés des révoltes arabes et diffusés sur le site dissident Boxun, hébergé aux Etats-Unis.
Au moins quinze journalistes étrangers – dont une dizaine de Japonais – et une assistante chinoise, qui s'étaient rendus sur la place du Peuple, le lieu de rassemblement désigné à Shanghaï, ont été détenus plusieurs heures par la police, dimanche 6 mars, dans une maison n'étant pas identifiée comme un commissariat. La correspondante du journal Le Parisien explique avoir été contrainte de signer le procès-verbal de son interrogatoire.
"Certains médias occidentaux aiment se focaliser sur ce type d'actualités en ce moment. Un tel cycle d'information pourrait gravement contrarier la Chine dans le futur", prévient lundi 7 mars le journal quasi-officiel Global Times dans un éditorial. Vendredi, Le Quotidien de Pékin, organe de presse du bureau du Parti de la capitale, jugeait que les révolutions arabes "ont déjà créé un désastre majeur pour les peuples de ces pays". Ces appels à manifester son mécontentement dans la discrétion semblent peu suivis. Les journalistes chinois ont reçu l'interdiction d'en parler.
UN JOURNALISTE BATTU AU SOL
Le week-end précédent, la police avait vivement repoussé les reporters étrangers qui travaillaient sur la grande place centrale de Shanghaï ainsi que sur l'avenue commerçante de Wangfujing, à Pékin. Un journaliste de Bloomberg avait été battu au sol par cinq agents en civil devant des policiers en uniforme passifs, selon l'agence de presse économique. La délégation de l'Union européenne en Chine et l'ambassade des Etats-Unis ont dénoncé ces entraves à la liberté de la presse.
Lien retiré
Un policier chinois vérifie, dimanche 6 mars, l'identité d'une journaliste étrangère (à droite) près du quartier commerçant de Xidan, l'un des deux lieux désignés dans les appels à manifester lancés sur Internet.AP
Au cours de la semaine, les correspondants qui ont tenté de couvrir ces appels à d'insolentes balades dominicales ont été convoqués un à un par le Bureau de la sécurité publique, en charge de leurs visas, pour se voir "déconseiller" de se rendre sur ces deux lieux. Une admonestation "à prendre très sérieux", a expliqué la police au Monde à Shanghaï, mardi 1er mars, afin de ne pas "causer d'embouteillages".
DURCISSEMENT D'UNE AMPLEUR INÉDITE
De fait, deux des sites les plus fréquentés du pays sont donc désormais "hors limites" pour les journalistes étrangers, au même titre que l'est la région autonome du Tibet depuis le soulèvement de mars 2008. Ce durcissement est d'une ampleur inédite depuis la levée, à la veille des Jeux olympiques de Pékin (2008), de l'obligation d'obtenir des autorisations administratives pour conduire des interviews dans les lieux publics.
A tous, il a été expliqué que le droit en lui-même n'a pas changé mais qu'il faisait l'objet d'une nouvelle interprétation, selon laquelle une demande doit être déposée auprès d'un bureau dont la police et les affaires étrangères n'ont pas donné le contact.
Cette interdiction de facto intervient alors que la sécurité a été renforcée pendant que se tient à Pékin la session de l'Assemblée nationale populaire, un congrès de près de 3000 membres se réunissant chaque année pendant une dizaine de jours, chargé d'entériner symboliquement les décisions du gouvernement et des neuf membres du Comité permanent du Bureau politique, chargé concrètement de la direction du pays.
Interrogé lundi 7 mars, en marge de cette assemblée, sur les violences contre des journalistes étrangers, le ministre des affaires étrangères, Yang Jiechi, a répondu : "Il n'y a pas de problème de ce type", selon l'AFP.
Plusieurs journalistes ont par ailleurs dénoncé ces dernières semaines auprès du Club des correspondants étrangers en Chine des attaques informatiques contre leurs comptes Gmail. A Shanghaï, nous recevons depuis quelques jours des e-mails au titre alléchant, prétendant donner le lieu des prochains rassemblements du "jasmin chinois" et contenant un virus de type Mdropper, un "cheval de Troie" qui permet de prendre le contrôle d'ordinateurs à distance.
Harold Thibault