Interview sans concession de Mr Riboud (Danone) sur le commerce en chine

bei

Ange
23 Oct 2005
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Challenges. Vous êtes en conflit avec Zong Qinghou, votre partenaire dans Wahaha. Et vos ventes ont reculé de 20% en Chine. Ce pays reste-t-il un must ?

Franck Riboud. Evidemment ! C'est la manière de l'approcher qu'il faut gérer avec intelligence. La Chine, c'est une multitude de pays, des codes différents, des fonctionnements parfois incompréhensibles...
C'est la conquête de l'Est. Mais le potentiel est là. C'est un poumon qui fait respirer la planète. Parfois bien, parfois mal.

Avez-vous des regrets ?

Je ne regrette rien parce que ce n'est pas fini. Ce pays reste évidemment stratégique pour nous. Là, nous avons un passage difficile. Nous ne cherchons pas à le dissimuler. Est-ce que nous allons gagner ou perdre ?
Ce n'est pas la question. Ce qu'il faut, c'est que Danone et la Chine sauvent la face, et trouvent une solution équitable. En disant cela, nous sommes déjà sur le futur.

Pour un patron qui s'est fait le chantre de la Chine, la désillusion est grande...

Non, pas du tout ! Je le dis depuis le début : la Chine, ce n'est pas Alice au pays des merveilles, un jour ou l'autre, nous nous prendrons les pieds dans le tapis. Si les agences financières pondèrent la note des pays émergents vers le bas, c'est justement à cause de ces risques. Ils peuvent être de nature monétaire, économique, politique, voire environnementale. Tout est possible, car ce sont des pays jeunes, en éveil et en essor économique.

Faire du business en Chine, n'est-ce pas trop risqué ?

La gestion du risque est importante de par la taille du pays. Cela demande un vrai pilotage de la croissance. L'un des risques est de se dire : c'est fantastique, + 30% de croissance par an ! Donc, dans mes investissements, mes ressources humaines ou mes visions stratégiques, la Chine devient l'essentiel de l'avenir de l'entreprise.

Qu'avez-vous appris en dix ans ?

Beaucoup de choses, car on a pédalé avant de démarrer. Wahaha nous a fait sortir de l'ombre, mais nous avons essayé pas mal de choses avant. Les raccourcis sont connus : je vends des yaourts, il y a 1 milliard de Chinois, donc, si chacun mange un yaourt... Même mon père l'avait dit. Eh bien non, ce serait trop simple ! Il faut regarder comment les marchés sont structurés en termes de marges, d'environnement compétitif. Et, en Chine, comme tout le monde est présent, la compétition est intense.

Cette année, le Medef s'interroge : la Chine joue-t-elle le jeu ?

La Chine joue son jeu. Voilà ! Cela n'est pas compliqué. Les Etats-Unis ne jouent-ils pas leur jeu ? Tu veux travailler avec moi ? Alors tu me donnes ta technologie. Et si tu ne veux pas, personne ne t'oblige à le faire. Ils utilisent un argument fort, il y a une telle importance à être présent en Chine. Ce n'est pas du pillage, cela s'appelle de la négociation.

Mais parfois les Chinois ne respectent pas le contrat.

J'ai beaucoup appris sur ce sujet. Un contrat, dix minutes après que vous l'avez signé, peut être renégocié. Si vous êtes en position de faiblesse, il peut être remis en question. Un contrat, là-bas, cela ne se met pas dans un placard. Cela s'entretient. Il faut des bases juridiques très fortes. Pendant longtemps, nous n'avons peut-être pas assez fait vivre notre contrat avec Zong. Et maintenant, c'est d'autant plus difficile de le faire respecter. A nous de nous adapter aux coutumes locales tout en restant rigoureux sur le plan de nos valeurs, de notre éthique... C'est une courbe d'apprentissage.

Peu de pays utilisent le nationalisme comme arme économique.

La Chine veut gagner chez elle et influencer ailleurs. Comme beaucoup d'autres ! Le nationalisme est une nécessité politique à cause du caractère grandissant de la fracture sociale et économique qui se creuse. Nous sommes obligés d'en tenir compte dans les solutions envisagées.

Quelles leçons tirez-vous de votre aventure chinoise ?

Je découvre que beaucoup d'entreprises ont eu des aventures diverses et variées. La manière dont nous gérons la crise participe à l'accumulation d'expériences. Aujourd'hui, dans la gestion du relationnel, la compréhension du pays, la manière dont les contrats doivent être mis en oeuvre, je pense que nous avons beaucoup appris en dix ans.

Avez-vous gagné de l'argent en Chine ?

Oui, très vite. D'ailleurs, en Chine, si vous ne gagnez pas de l'argent très vite, vous n'en gagnez jamais. Ce sont les Chinois qui le disent. Dans nos métiers, c'est vrai.
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l'article complet :
http://www.challenges.fr/business/2...e_nest_pas_alice_au_pays_des_merveillesa.html
 
Je crois que là, tout est dit. Juste, clairvoyant, réaliste, un poil désenchanteur mais tout de même optimiste. Si tout le monde avait les moyens (sic) de penser et d'investir comme lui...
 
Très diplomate... A 10000 lieux des diatribes nationaliste du boss de Wahaha.