En partie d'accord avec lui, mais cette opposition chinoise, dont je parlais hier dans un autre post, a une vision assez proche de ce néo-conservatisme. J'avais commenté une partie de son papier : "
ll a toujours été très difficile de trouver des articles dans la presse française pour avoir une vue claire de la situation chinoise.
J’ai été vacciné très tôt. Dans les années 90, j’habitais Pékin ; quand je lisais les articles du correspondant du Monde à Pékin (Paix à son âme !) évoquant la ville, j’avais l’impression que nous n'habitions pas la même ville tant la noirceur des articles reflétait un paysage complètement différent de ce que j’expérimentais chaque jour.
Je nommais le symptôme alors « occidentalo -centrisme ».
J’ai vite arrêté de lire ses articles. J’ai fait quelques rechutes. Il y a une dizaine d’années, un article du correspondant du Nouvel Obs relatait le différend Danone-Wahaha. Le seul coupable était le madré patron de Wahaha. L’article ignorait les pratiques de Danone. Il aurait suffi de lire un très bon ouvrage sur le sujet écrit par deux journalistes chinois qui décrivait l’affaire vue des deux côtés pour avoir une idée plus proche de la réalité. Le journaliste français aurait pu prendre une leçon d’objectivité (j’ai oublié tous les détails et les références avec le temps !). Mais sa pratique du chinois se limitait à 10 phrases sans parler de son dégout pour la Chine à la fin de son séjour. Pour comprendre un peu les choses, ça n’aide pas !
Le problème est certainement beaucoup plus vaste et s’étend à d’autres sphères ; il y a certainement des racines culturelles, religieuses, économiques, etc…
Inversement, les Chinois tombent parfois dans le panneau…, de moins en moins…
Quand on voit le comportement de certains étrangers en Chine, qui pensent apporter la lumière en Chine, on reste interloqués, même si la montée en puissance de la Chine en calme beaucoup J
Sur le sujet, je vous livre le passage d’un article sans prétention que j’avais écrit il y a une dizaine d’années sur le roman policier en Chine ; les occidentaux pratiquent un occidentalo-centrisme, comme les Chinois…
"La Chine a une longue tradition dans la littérature d’affaires judiciaires, 公案. Les historiens notent que dès le début du IIIe siècle ont commencé à circuler de courts et simples récits d’affaires criminelles à élucider. Sous la dynastie des Tang, les annotations judiciaires comprenaient 414 ouvrages composés par 27 écrivains.
Yu Hongsheng, 于洪笙, dans son ouvrage « Nouvel examen du roman policier, 重新审视侦探小说 » note que les intrigues sont déjà complexes, les caractères brillants et les récits pleins de détails vivants. Par ailleurs, elle souligne l’influence du bouddhisme et ses vertus morales, qui célébraient les qualités des incorruptibles juges. Si leurs enquêtes étaient basées sur des investigations poussées, la déduction logique et une approche psychologique, une touche de surnaturel existait avec l’aide des esprits.
Davantage durant la période des Ming (1368-1644), le juge s’est transformé en enquêteur détective. Confrontés à des crimes ingénieux, les intelligents juges devaient user de stratagèmes dans leurs interrogatoires et investigations. L’excellent Bao Zheng, qui vécut au XIe siècle, servit par la suite de modèle à de nombreux écrivains. Le « Longtugongan, 龙图公案 », paru à la fin des Ming devint un classique, il le met en scène secondé par des chevaliers. Considéré comme le Sherlock Holmes oriental, Bao a atteint une grande renommée dans tout l’Orient. Le sinologue Robert Van Gulik, entre autres, souligne que le roman policier chinois est apparu à cette époque, au XVIIe siècle. Ce dernier a traduit également « Trois affaires criminelles résolues par le juge Ti », écrit par un anonyme au XVIIIe siècle.
On peut donc s’interroger. Pourquoi cette littérature policière si riche est pratiquement ignorée par les chercheurs occidentaux ? A tel point que la plupart considèrent « Double assassinat de la rue Morgue » (1844) d’Edgar Allan Poe comme le roman d’origine du policier.
Van Gulik pense que la raison principale réside dans le fait que ces romans ne correspondent pas au goût occidental. Les romans policiers chinois ont une « conception des exigences auxquelles un roman policier se doit de répondre si éloignée de la nôtre que ces récits peuvent ne présenter aucun intérêt pour ceux d’entre nous qui lisent de tels romans à seul fin de se distraire ». Le sinologue néerlandais relève cinq caractéristiques du polar chinois. Le coupable est connu dès le début du roman. Les Chinois aiment le surnaturel, les fantômes et les démons font souvent leur apparition. Les détails, avec de longues digressions, des poèmes et des contes abondent. Les personnages sont très nombreux. Les récits chinois décrivent de manière circonstanciée l’exécution du coupable, voire avec tous les détails macabres.
Si on peut reprocher un occidentalo-centrisme de notre côté, il faut souligner qu’il est aussi fort du côté chinois. L’écrivain Cao Wenxuan,
曹文轩, professeur de littérature chinoise, reproche à ses contemporains et à ses aînés de faire preuve depuis plus d’un siècle d’occidentalo-centrisme -西方中心主义- en abandonnant toute la culture littéraire chinoise, ses procédés et ses figures pour se mettre à l’école occidentale. Il me confiait même qu’une infime partie d’intellectuels chinois connaissaient vraiment la littérature du pays. Le roman policier, qui a pris forme au XVIIe siècle, s’est vite éclipsé avec la vague de traductions de romans occidentaux, en tête les ouvrages de Conan Doyle et Maurice Leblanc, au tournant des XIXe et XXe siècles."
