Je suis parfaitement d'accord avec tes propos (bien traités) Dagobert Ier
Je viens de finir le livre de Pascal baudry "Français et Américains, l'autre rive", qui traite des différences culturelles entre les français et les américains, mais au delà de çà, c'est plus une étude/analyse de la société française.
Ci dessous le chapitre "les étrangers en France"
Étrangers en France
La France, qui fait mine de ne pas aimer les étrangers, est en fait le pays d’Europe occidentale qui en a assimilé le plus au cours
de son histoire. Et, dès la deuxième génération, plus personne ne se préoccupe que l’on s’appelle Jasjiewski, Linares, Muller,
Spasski, ou de tout autre nom qui reflète l’origine étrangère de ses parents. Le prix à payer pour cette assimilation est de jouer
le jeu en se comportant comme les autres Français, quitte à renoncer aux pratiques de son pays d’origine, en tout cas aux
plus visibles d’entre elles. L’un des sens du mot égalité dans la devise nationale, c’est l’uniformité républicaine ; tous pareils,
qu’aucun ne vienne revendiquer une différence essentielle.
Alors, on interdira le port du foulard islamique, perçu comme symbole « ostentatoire » d’une appartenance autre à
laquelle on n’aurait pas renoncé, insulte insupportable à la culture du pays d’accueil. La référence à la laïcité républicaine
est venue compliquer le débat, dans un pays encore marqué par les affrontements passés entre catholiques et anticléricaux. Et
l’on invoque la séparation de l’Église et de l’État, dans un pays où les églises de village égrènent encore les heures (ce qui était
le privilège de la classe dirigeante avant que les horloges se répandent dans la population) – mais où les muezzins ne
chantent pas de sourates depuis les minarets, malgré la présence de millions de musulmans. La peur du communautarisme, hautement
invoquée, est en fait celle que des groupes viennent se désolidariser de la meute, par un phénomène de scission qui
remettrait en cause le Grand Tout.
Les Américains, plus sûrs qu’ils sont, à tort ou à raison en cette époque d’hispanisation galopante, de leur capacité
d’assimilation des immigrants, en exigent moins de conformité apparente et ne comprennent rien à cette affaire de tchador,
pour peu qu’on s’essaye à leur expliquer. Ils les laissent donc pratiquer leur religion à leur guise, s’habiller comme ils veulent
et manger des ethnic foods, ce qui, d’ailleurs, fait marcher le commerce. En revanche, la loi s’impose à tous de la même manière
: pas question de frauder le fisc, de ne pas payer ses contraventions ou de mentir sous serment.
« Venez nous rejoindre en France, nous savons que vous avez souffert pour avoir à quitter votre pays ; nous sommes
prêts à faire des sacrifices pour vous accueillir parmi nous, mais, de grâce, comportez-vous comme nous, assimilez-vous.
Payez tribut. Ça nous coûte d’être Français, en ennuis et dysfonctionnements de toutes sortes, bien que nous y soyons affectivement
très attachés ; alors il faut que ça vous coûte aussi, sinon, ça serait quand même trop facile ! Et puis, c’est nous qui payons
pour vous, donc il vous faut en baver pour mériter de devenir comme nous. » Alors que le communautarisme anglo-saxon
passe par une juxtaposition ethnique, l’assimilation française se fait selon les canons de l’« intégration » et par acquisition de la
nationalité française ; ce « Devenez comme nous » rassure la meute.
Ce processus a fonctionné longtemps sans problèmes majeurs, en tout cas à partir des deuxièmes générations, et a permis
de renouveler continuellement le capital génético-culturel français. On peut affirmer que le melting pot a été un mécanisme
fondateur tout aussi bien en France qu’aux États-Unis, en tout cas jusqu’à des temps récents, lorsque l’intégration des Africains
du Nord s’est mise à poser problème. Ce que les Français dits de souche reprochent aux Maghrébins, c’est de ne pas jouer
le jeu, de revendiquer leur différence, de ne pas chercher à s’assimiler. Et peu leur chaut que les conditions mêmes de
l’immigration, décidées initialement à l’initiative des grandes firmes automobiles, conduisirent à amener en masse en France
des Maghrébins choisis parmi les plus analphabètes pour ne pas avoir de problèmes syndicaux. Cet apport voulu dans son
ampleur et dans sa forme par la France, dans une politique à courte vue, les Français ne s’en estiment pas responsables et en
imputent les conséquences aux immigrés eux-mêmes, les plaçant ainsi, d’ailleurs, dans une double contrainte.
Alors, comme aux États-Unis avec les Chicanos, on assiste en France à la création de véritables ghettos urbains qui accroissent
encore les difficultés d’intégration et qui précipitent une chute vertigineuse de la qualité de l’enseignement dans les écoles
de la République. Et cependant, il n’est que de regarder les génériques des émissions télévisuelles pour voir que nombreux
sont les descendants de l’immigration nord-africaine qui sont en train de trouver leur place dans la nation, qu’ils pratiquent ou
non l’Islam. Mais il en reste un grand nombre qui sont laissés à la marginalisation, participant à la création d’une société duale
dont on voit les prémisses aux États-Unis, où l’affaiblissement des classes moyennes fait apparaître crûment le contraste entre
ceux qui savent naviguer dans une société de l’information et ceux qui sont condamnés aux McDonald’s jobs.
Et je ne parle pas ici du sort réservé aux harkis.
Sur ce point, dans les deux pays, l’érosion constante du niveau scolaire ailleurs que dans les beaux quartiers est un phénomène
extrêmement préoccupant qui devrait faire l’objet de toutes les attentions. Mais, aux États-Unis la faiblesse de l’État,
et en France le poids des corporatismes dans une Éducation nationale géante et donc irréformable, bloquent des évolutions
dont l’absence est un facteur primordial du déclin de nos sociétés respectives. Les États-Unis ont trois faiblesses majeures,
qui peuvent se révéler fatales à long terme : leurs problèmes d’éducation, de drogue et de violence ; si la France veut
avoir une chance de s’en sortir, il lui faudra absolument éviter ces pièges."